L’acquisition de la résidence principale (ou de la résidence secondaire) par des époux séparés de biens est sujette à un contentieux riche quant à son financement. L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 3 octobre 2019 n° 18-20.828 vient apporter une précision nette sur le champ d’application de la contribution aux charges du mariage.
Lors d’une acquisition indivise, les époux définissent ensemble leurs proportions de détention sur le bien immobilier. Les quotités d’acquisition stipulées dans l’acte sont censées respecter la quote-part du financement de l’acquisition du bien immobilier. Le contentieux survient à la dissolution du régime matrimonial (principalement pour cause de divorce), en présence d’une disproportion entre les droits d’un époux sur le bien et son financement. L’époux qui a financé une part supérieure à ses droits va tenter d’obtenir le remboursement de ces sommes sur le fondement des créances entre époux ou contre l’indivision.
Lorsque le logement indivis fait l’objet d’un financement par le biais d’un emprunt, remboursé par un des époux, la Cour de cassation qualifie désormais ledit remboursement de contribution aux charges du mariage (Cass. 1ère civ., 15 mai 2013, n° 11-24.322 ; Cass. 1ère civ., 15 mai 2013, n° 11-22.986 ; Cass. 1ère civ., 15 mai 2013, n° 11-26.933). Aux termes de l’analyse de la Cour de cassation, cette qualification fait obstacle au remboursement d’une créance entre époux ou contre l’indivision. Les charges du mariage visent non seulement les dépenses participant à la vie familiale (aliments, logements, loisirs…) telles des dépenses de « consommation » mais également les dépenses « d’investissement » telle les dépenses d’acquisition d’un bien immobilier. A défaut d’organisation de la contribution aux charges, les époux doivent participer « en fonction de la faculté contributive des époux » (article 214 Code civil) et ils seront seront présumés avoir contribué au jour le jour dispensant ainsi d’établir les comptes sur les dépenses relatives aux charges du mariage.
Cet arrêt va plus loin et définit le périmètre des « dépenses d’investissement » constituant des charges du mariage. Il affirme que le financement issu d’un apport en capital ne constitue pas une contribution aux charges du mariage. L’époux ayant financé l’acquisition au moyen d’un apport en capital peut donc obtenir le remboursement de sa créance. Au surplus, le régime légal prévoit que des fonds propres employés pour financer l’acquisition d’un bien commun ouvre droit à récompense. Cette décision de la Cour de cassation met en exergue une solution analogue pour le régime de séparation de biens.
Cependant, il est intéressant de se demander dans quelle mesure la Cour de cassation poursuivrait son raisonnement en présence d’un financement mixte, pour partie au moyen d’un emprunt qualifié d’une contribution aux charges du mariage et d’autre part d’un apport en capital ouvrant droit à une créance.
Enfin, la reconnaissance d’une créance au profit de l’époux qui a financé la quote-part de son conjoint risque dorénavant d’entraîner un nouvel attrait pour la qualification de donation (à charge de prouver une intention libérale).
Par conséquent, la Cour de cassation rappelle, au travers de cette jurisprudence, l’importance de la rédaction de la clause fixant l’obligation de la contribution aux charges du mariage et de prévoir que le financement du logement peut donner au remboursement d’une créance.