Dans une réponse ministérielle Grau, publiée le 1er février 2022, l’administration fiscale reconnait l’opposabilité de sa doctrine et permet ainsi, de fait, de ne pas tenir compte de la condition supplémentaire ajoutée par la CJUE tenant à la rémanence de TVA.
Lorsque les livraisons d’immeubles ou de terrains sont taxables à la TVA, la base d’imposition est en principe constituée par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le vendeur en contrepartie de cette opération. Par dérogation, l’article 268 du CGI prévoit que, si l’acquisition antérieure par le cédant n’avait pas ouvert droit à déduction de TVA, la livraison est taxée sur la marge lorsqu’elle porte sur un terrain à bâtir ou un immeuble bâti achevé depuis plus de cinq ans et qu’une option est exercée par le vendeur pour la taxation volontaire de l’opération (à défaut, la livraison serait exonérée de TVA et la question de l’assiette ne se poserait donc pas).
Saisie par le Conseil d’Etat en 2020 sur le régime de la TVA sur la marge lors de la cession d’un terrain à bâtir, la CJUE, dans sa décision du 30 septembre 2021, aff. C-299/20, Icade Promotion, donne son interprétation de l’article 392 de la directive TVA de 2006 (lire notre actualité d’Octobre 2021).
Pour la CJUE, la TVA sur marge peut s’appliquer aux ventes de terrains :
- uniquement lorsque la qualification fiscale du bien vendu est la même qu’au moment de son acquisition (le terrain à bâtir vendu a été acquis en tant que terrain à bâtir). ;
- lorsque l’acquisition n’avait pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial.
Or, l’administration fiscale française n’exige pas cette dernière condition tenant à une rémanence de TVA grevant l’acquisition. En ce qui concerne les opérations en cours, cet arrêt pourrait remettre en cause l’application de la TVA sur marge et conduire à une taxation, plus élevée, sur le prix.
Fort de cette inconfort juridique, le député Romain Grau interroge Bercy sur l’opposabilité de sa doctrine administrative en matière de TVA sur marge qui prévoit un champ d’application plus large (BOI-TVA-IMM-10-20-10).
Dans une réponse ministérielle Grau, publiée le 1er février 2022, l’administration fiscale reconnait l’opposabilité de sa doctrine et permet ainsi, de fait, de ne pas tenir compte de la condition supplémentaire ajoutée par la CJUE tenant à la rémanence de TVA.
Elle indique en outre que cette doctrine ne sera modifiée qu’après que le juge national aura tranché le litige en cours dans l’affaire Icade Promotion, en concertation avec les acteurs du secteur de l’immobilier.
« Aussi longtemps que cette mise à jour n’est pas intervenue, les assujettis revendeurs bénéficient pleinement de la garantie prévue par les dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales (LPF). Cette garantie permet au contribuable de bonne foi de se prévaloir de l’interprétation faite par l’administration d’un texte, même contraire au droit de l’Union tel que précisé par la jurisprudence de la CJUE. En outre, cette garantie interdit à l’administration fiscale de remettre en cause l’application par un redevable d’un texte fiscal effectuée conformément à l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportées à la date des opérations en cause (avis « Monzani » n° 353782 du Conseil d’État du 8 mars 2013) ».
« Enfin, le Gouvernement entend préciser que cette mise à jour de la doctrine fiscale n’aura pas vocation à remettre en cause les équilibres économiques des opérations en cours. Ainsi, dans le cadre de la revente d’un bien immobilier intervenant postérieurement à la date de publication des futures précisions doctrinales tirant les conséquences de la jurisprudence de la CJUE, l’assujetti revendeur pourra continuer à se prévaloir de l’actuelle doctrine fiscale si son acquisition du bien considéré est intervenue ou a fait l’objet d’un compromis de vente antérieurement à cette publication ».
Réponse ministérielle n° 42486, publiée au JOAN du 1er février 2022, p. 702