Cheuvreux Paris

Retour sur le 119ème Congrès des Notaires : Le logement. Le devoir de faire mieux, le Droit pour faire autrement

26 Oct 2023 Newsletter

Le Congrès des notaires est à la fois une institution dans la profession et un évènement. Institution, car c’est une organisation née en 1891 ayant pour objet de produire une réflexion annuelle sur une thématique donnée en fonction de la pratique notariale, de l’actualité et des enjeux sociétaux. Chaque année, une équipe de notaires encadrée par l’Association Congrès des Notaires de France, resserrée autour d’un président et d’un rapporteur général, et par un professeur de droit reconnu dans sa matière, produit un rapport sur cette thématique. Ce dernier aboutit à un évènement car, pendant trois jours, le Congrès des notaires propose des parcours de formations et des propositions de réforme – qu’il est fréquent que le législateur retienne*. Le 119ème Congrès des notaires était dédié au logement. Sous la Présidence d'Yves Delecraz, notaire à Lyon, l’orchestration du rapporteur général Eric Cevaer, notaire à Cap-d’Ail, et avec l’appui de Gwénaëlle Durand-Pasquier, professeure agrégée à l’Université de Rennes, les objectifs que l’équipe s’est assignée étaient d’une ambition à la hauteur de l’importance du thème : le devoir de faire mieux, le Droit pour faire autrement.

Il s’agissait ainsi d’apporter des réponses structurelles, tout en prenant en compte la crise conjoncturelle que connaît le secteur du logement. Pour cela, l’équipe a procédé à de nombreuses consultations d’opérateurs, administrations, élus, spécialistes de l’urbanisme, de l’architecture, ou de l’économie du logement.

Cela a permis de développer une analyse globale de la situation, avec l’œil du juriste et le rôle spécifique du notaire qui accompagne quotidiennement les projets de logements, qu’il soit aux côtés de collectivités territoriales, d’aménageurs, de promoteurs, de bailleurs sociaux et intermédiaires, d’investisseurs, de banques, mais aussi auprès des particuliers lorsqu’ils acquièrent, vendent ou transmettent leur résidence.

Chaque temps du logement a été analysé dans un rapport de 1500 pages dans sa version numérique et a donné lieu à 13 propositions soumises aux votes des notaires de France :

  • Le temps de la production, afin de développer l’offre de logements en France (Commission n° 1).
  • Le temps de la détention, pour favoriser l’accès au logement, qu’il soit locatif ou en propriété (Commission n° 2).
  • Le temps de la préservation : pour pérenniser son logement (Commission n° 3).

 

Commission n° 1 : Développer l’offre de logements

Les impératifs de mixité sociale et fonctionnelle ainsi que ceux liés à la sobriété tant énergétique que foncière impliquent désormais de produire du logement en favorisant le rapprochement des acteurs, en agissant sur le bâti existant (80% de la ville de 2050 existent déjà), et en encourageant des construction durables et donc mutables.

Du point de vue du rapprochement des acteurs deux propositions ont été formulées.

D’abord, au stade de l’acte fondateur qu’est le permis de construire, et à travers un renforcement du dialogue entre les porteurs de projets, l’administration, mais aussi le public, plusieurs mesures permettraient une instruction optimisée et raccourcie des demandes d’autorisation d’urbanisme, ainsi qu’une limitation des risques de refus ou de recours. Il a ainsi été proposé (adopté à 95%) :

  • Que toute demande d’autorisation d’urbanisme déposée après la mise en place de la concertation facultative prévue par l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme donne lieu à une période de dialogue d’un mois maximum avec les services instructeurs et les administrations concernées ; ce dialogue remplacerait la période de demande de pièces complémentaires, serait un temps d’échange et d’amélioration des projets pour anticiper un éventuel refus d’autorisation.
  • Que, dans le cadre de cette procédure, le maire réunisse une conférence d’instruction à laquelle seront obligatoirement conviés les différents services administratifs dont la consultation est prescrite par le Code de l’urbanisme. A l’issue de cette conférence sera établi collégialement un certificat d’instruction liant les services instructeurs et consultés : d’une part, quant à la faisabilité du projet concerné ; d’autre part, quant au délai de délivrance des avis et autorisations nécessaires à sa réalisation ;
  • Enfin, que lorsqu’il aura été fait usage de la procédure de concertation préalable ci-dessus exposée, la possibilité pour toute association visée à l’article L. 601-1 du Code de l’urbanisme d’agir contre une autorisation d’urbanisme pour un projet portant principalement sur une destination « habitation » soit conditionnée à ce que ladite association ait participé de manière effective à ladite concertation, pourvu qu’elle y ait été expressément conviée.

Ensuite, au stade de la production des logements, c’est sur le rapprochement des opérateurs publics, notamment les bailleurs sociaux et privés, que des propositions ont été formulées. Pour renforcer les partenariats entre le secteur public et le secteur privé, deux grands axes :

  • plus de sécurité juridique, en clarifiant dans les dispositifs dérogatoires existant les frontières avec le champ et le régime de la commande publique. Ces dispositifs (cessions avec charges, VEFA publiques) sont très utiles et fondés dans leur principe. En les clarifiant il s’agit donc d’en sécuriser l’utilisation ;
  • pour les cas dans lesquels ces dispositifs ne seraient pas mobilisables, simplifier au maximum, dans le respect du droit de l’Union européenne, l’utilisation de la commande publique. Pour ce faire, il a été proposé (adopté à 97%) :
    • De faciliter la prise en compte des besoins des bailleurs sociaux lorsqu’ils achètent en VEFA, en supprimant l’article L. 433-2, al. 1er du Code de la construction et de l’habitation, en clarifiant dans l’objet de tous les bailleurs sociaux leur capacité à se porter acquéreur dans des ventes d’immeubles à construire ou à rénover, en clarifiant également les termes des dispositions du Code de la construction et de l’habitation offrant aux bailleurs sociaux la faculté de constituer des SCCV avec des promoteurs, notamment dans le cadre d’opérations de réhabilitation.
    • De simplifier l’utilisation de la commande publique lorsque son utilisation est nécessaire en supprimant les dispositions d’origine purement interne incompatibles avec la réalité des opérations immobilières, en ouvrant aux bailleurs sociaux et intermédiaires la possibilité de constituer des sociétés d’économie mixte à projet unique (« SEMOP »), en renforçant la maîtrise d’ouvrage des bailleurs sociaux dans des projets de réhabilitation porteurs de mixité sociale et fonctionnelle, par l’extension à la vente d’immeuble à rénover du dispositif de l’article L.433-2, al. 2 du Code de la construction et de l’habitation (« VEFA inversée »).

Du point de vue des méthodes, dans une perspective de développement durable de la production de logements, il a été proposé :

  • De faciliter l’évolution de l’existant, notamment à l’échelle des lotissements, en ouvrant aux initiatives privées l’engagement de la procédure de mise en concordance des cahiers des charges dont certaines clauses bloquent parfois les projets des habitants eux-mêmes (adopté à 97%) ;
  • De promouvoir la construction réversible avec un régime d’autorisation d’urbanisme spécifique et une fiscalité adaptée (adopté à 99%), comportant trois volets :
    • un volet législatif, permettant dans les périmètres définis par les plans locaux d’urbanisme, le dépôt d’une demande de permis de construire à destinations principales « autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire » et, le cas échéant, « habitation », avec faculté d’évolution entre ces destinations pendant une durée de vingt ans à compter de l’obtention de l’autorisation dès lors que les surfaces autorisées initialement à destination d’habitation ne diminueraient pas,
    • un volet administratif, où seraient précisées, par circulaire, les conditions d’instruction de ces permis de construire par les différents services locaux et étatiques compétents,
    • un volet fiscal, avec, en Ile-de-France, un avoir fiscal correspondant au prorata de la taxe sur la création de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage (TCBIDF) versée, rapporté au nombre d’années de validité restant à courir au titre du permis multi-destination considéré. Cet avoir serait ensuite utilisé lors du paiement d’autres taxes revenant au même bénéficiaire.

 

Commission n° 2 : Favoriser l’accès au logement

L’accession au logement peut emprunter deux voies : soit la location (auprès d’un bailleur privé-investisseur ou auprès d’un bailleur social), soit la propriété (éventuellement démembrée).

A propos de la location, les propositions de la Commission n°2 vont donner corps au statut dit du « bailleur privé ». Pour ce faire, il est proposé (adopté à 95%) de créer un statut fiscal global du bailleur privé cohérent et attractif au moyen :

  • d’une option de taxation des revenus locatifs, nus ou meublés, dans la catégorie des revenus fonciers ou dans celle des bénéfices industriels et commerciaux (BIC),
  • d’un statut du Loueur Immobilier Professionnel (LIP) et
  • d’un plafonnement des prélèvements obligatoires grevant les logements locatifs en fonction du revenu individuellement généré par chaque logement.

De plus, constatant l’enjeu économique majeur de l’amélioration de la performance énergétique, la deuxième Commission du 119ème Congrès des Notaires de France a proposé de créer une égalité de traitement fiscal de la performance énergétique pour les logements nus ou meublés, anciens ou neufs (adopté à 92%).

Enfin, il a été proposé (adopté à 97%) de généraliser le dispositif « Loc’Avantages » à tout logement destiné à une résidence principale qu’il soit nu ou meublé et de le simplifier en rendant ce dispositif déclaratif – sans convention conclue avec l’ANAH, sauf en cas de travaux subventionnés – ; l’objectif étant de rendre le dispositif plus simple et plus attractif dans la perspective de généraliser une offre locative privée solidaire.

A propos de l’accession à la propriété, constatant les limites de leur application, il a été proposé (adopté à 81%) que les droits de préemption des locataires, actuellement nombreux et complexes, soient rationnalisés et simplifiés.

Enfin et surtout, soulignant l’importance de l’accession aidée, maîtrisée ou décotée pour les ménages les plus modestes, il a été proposé (adopté à 96%) d’instituer un régime juridique permettant de pérenniser la décote consentie au premier accédant dans les modes d’accession aidés à la propriété pendant une durée de 30 ans.

 

Commission n° 3 : Pérenniser son logement

Cette commission aborde les questions quotidiennes auxquelles sont confrontés les Français en matière de logement : comment conserver, transmettre et adapter son logement aux évolutions inéluctables de la vie de ses occupants ?

Le législateur a déjà mis en place de nombreux outils mais certains méritent d’être réajustés et d’autres inventés pour faire face aux situations de faillite, au vieillissement de la population et aux évolutions contemporaines des cellules familiales. Aussi, il a été proposé :

  • D’étendre aux dirigeants de sociétés le bénéfice de l’insaisissabilité automatique de la résidence principale (adopté à 93%), considérant qu’il existe une inégalité de traitement entre les entrepreneurs selon qu’ils ont opté pour la forme sociétaire ou non ;
  • De repenser les solutions viagères dans le cadre familial (adopté à 96%), en élargissant le champ d’application du prêt viager hypothécaire ;
  • De rétablir l’esprit de l’article 215 du Code civil, pour :
    • confirmer qu’il s’applique à tout acte disposant du logement en cours d’union, qu’il produise des effets immédiats ou posthumes,
    • mais également l’enrichir avec des dispositions relatives aux mesures provisoires en cas d’instance en divorce, afin de tenir compte de la réforme de la procédure contentieuse.

 

Toutes ces propositions ont reçu un large soutien de nos confrères lors du Congrès de Deauville, et nous nous engageons à les diffuser pour favoriser des changements durables dans le secteur du logement.

 

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Pendant leurs travaux, un thème central est apparu aux membres des trois commissions et de l’équipe du 119ème Congrès des Notaires de France : l’adaptation du logement aux changements climatiques. Une proposition commune aux trois commissions a donc été portée afin d’accélérer la rénovation énergétique des copropriétés grâce au tiers-financement, soit dans le cadre de baux réels comme le bail à réhabilitation, soit dans le cadre d’un contrat de performance énergétique qui serait conclu par un acteur public (un bailleur social par exemple) pour le compte de plusieurs copropriétés afin de développer des solutions de financement, d’énergie, voire de fraîcheur, à l’échelle d’un îlot ou d’un quartier plutôt qu’à l’échelle de chaque bâtiment (adoptée à 97%).

Cette adaptation du droit au changement climatique sera au cœur du 120ème Congrès des notaires, qui aura pour thème « L’urbanisme durable. Accompagner les projets face aux défis environnementaux », (présidence : Marie-Hélène Pero-Augereau-Huele ; rapporteur général : Hervé de Gaudemar) auquel participera Michèle Raunet, Notaire associée.

L’étude Cheuvreux est fière de participer activement aux réflexions et aux avancées que le notariat peut proposer sur des sujets déterminants pour notre société.

 

Raphaël Léonetti

Notaire associé, responsable du Lab

Rapporteur au 119ème Congrès des Notaires

 

* Les apports des Congrès des notaires de France au droit

 




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