Par un arrêt en date du 8 juin 2023, non publié au bulletin, la Cour de cassation illustre une nouvelle fois que le manquement du preneur à ses obligations tel qu’invoqué doit être suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail ; les juges du fond apprécient souverainement le manquement invoqué.
Conformément au droit commun de louage, le locataire commercial doit user de la chose louée suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, le plus souvent en vertu d’une clause expresse de destination (art. 1728 du Code civil). Si le preneur vient à employer les lieux loués à un autre usage que celui auquel ils sont destinés, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail selon les règles de droit commun (art. 1729 et art. 1224 et suivants du Code civil).
Dans l’affaire considérée, un bail commercial est consenti sur un local composé d’un magasin avec vitrine sur rue et d’une annexe constituant un atelier d’encadrement.
Après diverses étapes procédurales, se prévalant d’un changement irrégulier d’affectation des locaux constitutif à ses yeux d’un manquement grave aux obligations contractuelles le bailleur sollicite la résiliation du bail aux tords du preneur, ce que la Cour d’appel de Papeete (13 janvier 2022, n° 20/00213) refuse.
La demande de résiliation du bail est rejetée par la cour d’appel, qui, constatant le maintien de l’activité d’encadrement, et l’acceptation tacite de la bailleresse du changement d’affectation du local, réfute tout manquement grave aux obligations instituées par le contrat de bail
En l’espèce un constat d’huissier relève qu’une partie des locaux est ouverte au public aux fins d’exposition à la vente, et que, si cet état des lieux n’est pas conforme au bail qui affecte l’annexe à l’usage d’atelier, il montre que l’activité d’encadrement est maintenue, un ouvrier encadreur étant présent.
Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l’existence et l’affectation d’une partie du local à un usage d’exposition à la vente sont connues de la bailleresse au moins depuis 2015, cette dernière en ayant d’ailleurs tenu compte pour évaluer le loyer.
La Cour de cassation estime que la cour d’appel a souverainement apprécié qu’il n’était pas rapporté la preuve de manquements suffisamment graves au respect de la destination des lieux loués susceptibles de justifier la résiliation du bail.
La Haute juridiction confirme les conditions d’application des règles du droit commun relatives à l’inexécution contractuelle (art. 1224 du Code civil), dans le strict prolongement de sa jurisprudence établie de longue date en matière de baux commerciaux, selon laquelle l’appréciation de la gravité du manquement contractuel relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. Cass. 3ème civ. 6 février 1973, n° 71-13.994 ; Cass. 3ème civ. 25 mai 1976 n° 74-11.671).
V. pour une illustration de l’appréciation de l’irrespect de la clause de destination justifiant la résiliation d’un bail commercial (Cass. 3ème civ. 17 juin 2021, n° 19-26.317).