Dans sa décision du 13 octobre 2023, le Conseil d’État rejette le recours de l’Association des maires de France (AMF) et de l’Association nationale des élus du littoral (Anel) contre l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte.
Bien que l’érosion côtière soit un phénomène naturel évoluant sous l’effet du vent et des courants marins, le dérèglement climatique tend à l’accélérer, ce qui impacte indéniablement les activités humaines. Il est ainsi nécessaire que les politiques d’aménagement s’adaptent afin d’en anticiper les conséquences.
Plusieurs dispositions de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 en tiennent compte. Notons notamment l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 prise en application de cette loi qui s’applique aux 126 communes exposées au risque du recul du trait de côte. L’ordonnance précise différentes mesures concernant l’adaptation des outils de maitrise foncière et la redéfinition des méthodes d’évaluation des biens soumis au risque d’érosion, la création du bail réel d’adaptation à l’érosion côtière ainsi que la possibilité de déroger à certaines dispositions de la loi littoral.
L’Association des maires de France (AMF) et l’Association nationale des élus du littoral (Anel) précisent, dans un communiqué de presse du 19 mai 2022, qu’elles « attendent depuis longtemps les outils et ressources nécessaires à leur adaptation à l’érosion côtière afin d’éviter les situations juridiques et humaines inextricables révélées par le cas emblématique Le Signal à Soulac Sur Mer. (…) Les nouveaux outils que propose l’ordonnance ne répondent pas à cette attente, ni du point de vue de la sécurité juridique, ni sur celui de la garantie des ressources (…) ». Elles saisissent donc le Conseil d’État afin de garantir la sécurité juridique de l’ensemble du dispositif dans l’objectif notamment de limiter le futur contentieux.
Les associations soutiennent, entre autres, que le nouveau droit de préemption instauré par la loi Climat et Résilience et codifié à l’article L. 219-1 du Code de l’urbanisme, méconnaitrait le principe de libre administration des collectivités territoriales, le législateur n’ayant pas prévu de ressources particulières pour que les collectivités puissent le mettre en œuvre. Le juge administratif rejette ce grief au motif qu’il s’agit d’une simple possibilité pour les communes et qu’elles le mettront en œuvre au regard des ressources dont elles disposent.
Le recours des associations est également rejeté concernant le régime de fixation des indemnités d’expropriation ou de préemption qui est validé par le Conseil d’État. Il écarte également l’application de l’article 4 de la Charte de l’environnement par lequel, « toute personne doit contribuer à la réparation de dommages qu’elle cause à l’environnement », en ce que l’opération de renaturation visée par l’article L. 321-18 du Code de l’environnement ne constitue pas la réparation d’un dommage à l’environnement. Pour rappel, l’ordonnance précise les contours du nouveau bail réel d’adaptation à l’érosion côtière, codifié à l’article susvisé, et prévoit qu’à l’échéance dudit bail, le bailleur procèdera à la renaturation du terrain.
En vue de permettre la relocalisation des ouvrages ou installations menacés par l’évolution du trait de côte, les articles L. 312-8 et L. 312-9 du Code de l’urbanisme subordonnent cette relocalisation à l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État. Les associations soutiennent que ces dispositions vont à l’encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales en instaurant une tutelle de l’État. Grief également rejeté par les juges administratifs, en ce que ces articles ne portent pas une atteinte excédant « la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par les nécessités de protection de l’espace particulièrement sensible que constitue le littoral ».
Dès lors, il n’y a pas lieu de renvoyer les questions constitutionnelles soulevées au Conseil constitutionnel. Le Conseil d’État rejette également le recours pour excès de pouvoir formé par les associations. L’ordonnance relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte est jugée conforme.