Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sont soumises, en fonction de leur classement dans la nomenclature des ICPE et de la gravité des dangers que représente leur exploitation, à un régime d’autorisation, d’enregistrement ou de déclaration. Lorsqu’un vice régularisable entache une autorisation environnementale, le juge doit, conformément à l’article L. 181-18 du Code de l’environnement, faire usage de ses pouvoirs de régularisation. Ainsi, une ICPE soumise à autorisation pourra en bénéficier. S’agissant des ICPE soumises à enregistrement, le Conseil d’Etat a rendu un avis intéressant qui sera publié au Recueil Lebon portant précisément sur l’office du juge administratif en cette matière.
En l’espèce, à la suite d’une demande de l’association Limousin nature environnement et plusieurs autres requérants, le Tribunal administratif de Limoges annule, par un jugement du 12 novembre 2020, l’arrêté préfectoral du 8 août 2017, par lequel il a été délivré à une SARL, un permis de construire une unité de méthanisation ainsi que l’arrêté préfectoral du 3 novembre 2017 portant enregistrement de ladite unité au titre des ICPE. Par un arrêt du 23 mai 2023, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, décide de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d’État, avant de statuer sur la demande tendant à l’annulation de ce jugement.
Trois questions sont soumises à l’examen de la Haute juridiction afin de savoir si les dispositions de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement sont applicables aux ICPE faisant l’objet d’un enregistrement.
Pour mémoire, les dispositions de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement – modifiées récemment par la loi dite ENR du 10 mars 2023 – visent le pouvoir de régularisation du juge administratif en matière d’autorisation environnementale. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, même après l’achèvement des travaux :
- qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, limite à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demande à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ;
- qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation.
S’agissant de l’application de ces dispositions aux ICPE soumises à enregistrement, le juge précise en premier lieu, qu’elles sont applicables aux recours formés contre une décision d’enregistrement d’une ICPE dans deux hypothèses :
- lorsque le projet fait l’objet d’une autorisation environnementale tenant lieu d’enregistrement ou
- si le projet est soumis à évaluation environnementale donnant lieu à une autorisation.
En dehors de ces deux cas, lorsque le juge est saisi de conclusions dirigées contre une décision relative à l’enregistrement d’une ICPE, les dispositions de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement ne sont pas applicables.
Toutefois – et c’est le cœur de l’avis du Conseil d’État – en vertu des pouvoirs que le juge administratif tient de son office de juge de plein contentieux des ICPE, « s’il estime, après constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour la régularisation (…) Le juge peut limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision ».
En d’autres termes, dans l’hypothèse d’un vice régularisable affectant une ICPE soumise à enregistrement qui serait illégale quand le projet fait l’objet d’une autorisation environnementale ou d’une évaluation environnementale donnant lieu à autorisation, le juge a l’obligation de faire usage de ses pouvoirs de régularisation, au regard de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement. Dans les autres cas, le juge administratif peut décider de surseoir à statuer afin de permettre la régularisation d’une décision d’enregistrement d’ICPE, en vertu de ses pouvoirs de plein contentieux des ICPE.