Le vendeur qui a lui-même réalisé les travaux à l’origine du vice caché ne peut opposer à son acquéreur la clause exclusive de garantie stipulée dans l’acte de vente. La Haute Juridiction a récemment rappelé ce principe dans un arrêt en date du 19 octobre 2023.
En l’espèce, une SCI vend une maison d’habitation après y avoir fait réaliser des travaux par l’intermédiaire de son gérant, sans faire appel à un professionnel. A la suite de fuites affectant la maison, l’acquéreur assigne, après expertise, sa venderesse en indemnisation sur le fondement de la garantie des vices cachés. Celle-ci lui oppose toutefois la clause d’exclusion de garantie des vices cachés stipulée dans l’acte de vente.
Saisie du litige, la Cour d’appel de Limoges considère que la SCI venderesse peut se prévaloir de la clause exclusive de garantie à défaut pour l’acquéreur de rapporter la preuve qu’elle avait connaissance du vice caché affectant la maison à la date de la vente.
L’acquéreur se pourvoit alors en cassation, faisant grief aux juges d’appel de ne pas avoir recherché si, la SCI ayant elle-même réalisé par l’intermédiaire de son gérant les travaux non conformes aux règles de l’art qui sont à l’origine de la fuite, elle ne se serait pas alors comportée comme un constructeur ou un maître d’œuvre présumé avoir connaissance du vice.
Son argumentaire est retenu par la Cour de cassation qui censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 1643 du Code civil.
Dans sa décision, la Haute Juridiction rappelle sa jurisprudence constante aux termes de laquelle « le vendeur professionnel, auquel est assimilé le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l’origine des vices de la chose vendue, est tenu de les connaître et ne peut se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés (Cass. 3ème civ. 26 février 1980, n° 78-15.556 ; Cass. 3ème civ. 9 février 2011, n° 09-71.498 ; Cass. 3ème civ. 10 juillet 2013, n° 12-17.149). Elle reproche ainsi à la Cour d’appel d’avoir débouté l’acquéreur et retenu le jeu de la clause exclusive de garantie stipulée dans la vente sans avoir recherché, comme il le lui était demandé, si la SCI venderesse avait elle-même réalisé les travaux à l’origine du vice affectant la maison et ce « peu important les changements survenus quant à l’identité de ses associés et gérants ».
Cette décision constitue une nouvelle illustration des conditions dans lesquelles une clause exclusive de garantie des vices cachés peut – ou non – être opposée par un vendeur.
A cet égard, on rappellera qu’il est de jurisprudence constante qu’est présumé connaitre le vice affectant le bien non seulement le vendeur professionnel (Cass. 3ème civ. 3 janvier 1984, n° 81-14.326) (lequel peut être une SCI (Cass. 3ème civ. 27 octobre 2016, n° 15-24.232), mais aussi le vendeur qui a réalisé lui-même antérieurement à la vente les travaux qui sont à l’origine du vice caché, même s’il n’a pas la qualité de professionnel du bâtiment (Cass. 3ème civ. 9 février 2011, n° 09-71.498 ; Cass. 3ème civ. 10 juillet 2013, n° 12-17.149). Le « vendeur bricoleur »[1], également appelé « castor », est en effet assimilé depuis plusieurs années à un vendeur professionnel et ne peut dès lors pas se prévaloir de la clause exonératrice de garantie (V. également Cass. 3ème civ. 11 avril 2012, n° 11-13.198 ; Cass. 3ème civ. 4 mai 2016, n° 15-12.429 ; Cass. 3ème civ. 6 décembre 2018, n° 18-10.250).
Toutefois, ces arrêts concernaient des personnes physiques qui avaient réalisé elles-mêmes des travaux sans être des professionnels du bâtiment. Il est intéressant de souligner que dans l’arrêt commenté, le « vendeur constructeur » est cette fois-ci une personne morale, et que peu importe que les associés et gérants de la société aient changé depuis la réalisation des travaux incriminés.
Cass. 3ème civ. 19 octobre 2023, n° 22-15.536
[1] A. Bénabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 14ème ed., coll. Précis Domat, LGDJ, n° 233