Un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 15 février dernier attire l’attention des praticiens du financement sur l’importance de l’information de l’emprunteur concernant les clauses de remboursement par anticipation. La Haute Juridiction souligne que l’obligation d'information de l’emprunteur sur les conséquences d'un remboursement par anticipation pesant sur l’établissement prêteur n’est pas satisfaite du seul fait que la formule de calcul de l'indemnité de remboursement anticipé – qui en pratique s’avère souvent complexe (en particulier en présence d’un taux fixe) – ne soit pas incompréhensible. En d’autres termes, il est attendu de la banque la preuve qu’elle a positivement communiqué une information idoine sur les implications financières du remboursement anticipé. Cette décision devrait conduire à préconiser d’insérer dans les contrats de prêt, à titre d’illustration, le coût d’un remboursement anticipé intervenant à tel moment déterminé.
Dans cette affaire, un emprunteur ayant remboursé par anticipation deux concours bancaires, s’est vu débiter par la banque une certaine somme au titre des indemnités de remboursement anticipé stipulées aux deux actes de prêt. Faisant valoir que les taux effectifs globaux mentionnés dans ces actes étaient erronés et que la banque avait manqué à son obligation d’information concernant les modalités de calcul des indemnités de remboursement anticipé, l’emprunteur assigne l’établissement de crédit en annulation des stipulations d’intérêts des prêts et en indemnisation.
La Chambre commerciale censure la Cour d’appel de Colmar, qui dans un arrêt du 23 novembre 2020, avait débouté l’emprunteur de ses demandes, pour deux motifs.
Le premier, relativement classique, tient aux faits de l’espèce, faisant apparaître que le TEG mentionné dans les actes de prêt était inférieur au TEG correctement calculé, de sorte que l’erreur invoquée par l’emprunteur venait bel et bien « à son détriment », remplissant ainsi la condition prévue par l’article L. 313-4 du Code monétaire et financier pour que le TEG erroné soit sanctionné.
Le second, plus intéressant, sanctionne la violation par la Cour d’appel de l’article 1147 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016), aux termes duquel un établissement prêteur est tenu d’informer l’emprunteur sur les caractéristiques du prêt qu’il offre de lui consentir et en particulier, le cas échéant, sur les modalités du remboursement du prêt par anticipation, afin de lui permettre de s’engager en toute connaissance de cause.
La Cour d’appel avait certes relevé « que les modalités de remboursement des prêts par anticipation sont très précisément déterminées » dans les actes de prêt, et faisait valoir que l’emprunteur « ne précise pas en quoi cette stipulation est incompréhensible et ne justifie pas qu’à la lecture des actes authentiques, avant leur signature, elle n’ait pas disposé de toutes les informations utiles de la banque sur les modalités du remboursement par anticipation ». Elle soulignait enfin que la formule de calcul de l’indemnité de remboursement anticipé impliquait un calcul pouvant « apparaître comme complexe », mais n’étant « pas pour autant incompréhensible ».
La Haute Juridiction rejette ces arguments, soulignant qu’ils sont « impropres à établir que la banque, sur qui pesait la charge de la preuve, avait, lors de la conclusion des prêts […], rempli son obligation d’information de la société sur les conséquences d’un remboursement par anticipation, dès lors que le fait que le calcul de l’indemnité de remboursement anticipé ne fût pas incompréhensible ne pouvait suffire à la satisfaire ».
Cass.com. 15 février 2023, n° 21-10.950