Cette affaire donne une nouvelle occasion au Conseil d’État de se prononcer sur la manière dont il convient de faire application des dispositions de l’article L. 122-1 du Code de l’environnement déterminant la notion de « projet » tel que susceptible d’être soumis à évaluation environnementale obligatoire ou après examen au cas par cas en fonction de seuils définis dans les rubriques du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement.
En pratique, pour l’accompagner dans sa prise de décision, le juge administratif s’appuie :
- Sur le faisceau d’indices fourni par le guide de lecture de la nomenclature des études d’impact publié en 2017 : proximité géographique et temporelle, similitudes et interactions entre les différentes composantes du projet, objet et nature des opérations.
- Sur la méthode précisée par l’Autorité environnementale du conseil général de l’environnement et du développement durable : appréciation des liens fonctionnels, des interférences, et des impacts cumulés éventuels des différents projets entre eux.
- Sur la jurisprudence administrative rendue en la matière.
A titre d’exemple, en Janvier 2022, les juges de la Cour d’appel administrative de Nantes (CAA Nantes 18 janvier 2022, n° 19NT04955) ont rappelé qu’en présence d’un projet constitué de plusieurs travaux fractionnés dans le temps et de l’intervention de plusieurs maîtres d’ouvrage, les incidences du projet final doivent être appréhendées dans leur globalité dès la délivrance de la première autorisation portant en l’espèce sur l’abattage des arbres présents sur le terrain d’assiette du projet.
En l’espèce, dans le cadre de la réalisation de l’opération d’aménagement les « Jardins de la Méditerranée » ayant pour objet la création de jardins destinés à accueillir 300 000 visiteurs par an et la construction de divers bâtiments sur un terrain d’assiette d’une superficie de 19,31 hectares, le département de l’Hérault a déposé en juillet 2020 une déclaration portant sur les rejets d’eaux pluviales au titre de la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature IOTA à laquelle le préfet ne s’est pas opposé.
L’association France Nature Environnement a alors introduit un recours en référé suspension de cette décision de non-opposition devant le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier, au motif que cette opération aurait dû faire l’objet d’une évaluation environnementale au titre de la rubrique 39 de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement. Sa demande ayant été rejetée, l’association environnementale décide donc de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat.
La Haute juridiction commence par rappeler les fondements législatifs à la soumission du projet à un processus d’évaluation environnementale.
En effet, il résulte des dispositions de l’article L. 122-1 du Code de l’environnement que constitue un projet « la réalisation de travaux de construction, d’installation ou d’ouvrages, ou d’autres interventions dans le milieu naturel y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol », ledit projet devant « être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l’espace et en cas de multiplicité de maîtres d’ouvrage, afin que ses incidences sur l’environnement soient évaluées dans leur globalité ».
En outre, l’article L. 122-1-1 du même code précise que les incidences sur l’environnement d’un projet dont la réalisation est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations doivent être appréciées lors de la délivrance de la première autorisation afin d’éviter le saucissonnage des projets.
Sur cette base, le Conseil d’État en déduit que le projet en cause doit être regardé comme une opération d’aménagement dont le terrain d’assiette est supérieur ou égal à 10 hectares, laquelle se trouvait soumise à une procédure d’évaluation environnementale systématique en vertu de la rubrique 39° du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement.
Le juge précise à cet égard que le fait que le projet est susceptible de donner lieu ultérieurement à un permis d’aménager de moins de 5 hectares et à différents permis de construire est sans incidence sur la qualification de cette opération devant s’inscrire dans un processus d’évaluation environnementale dès la première autorisation.
Il convient de préciser que les autorisations ultérieures pourront elles-mêmes donner lieu, si nécessaire, à une procédure d’actualisation de l’étude d’impact initiale conformément aux dispositions de l’article L. 122-1-1 III du Code de l’environnement.