Dans cette affaire, la validation législative introduite par l’article 233-II de la loi Climat et Résilience de l’ensemble des décisions de préemption prises depuis le 1er janvier 2016 dans les espaces naturels sensibles (ENS) fait l’objet d’une contestation sous la forme d’une QPC.
Pour rappel, l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015, ratifiée par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, a procédé à la recodification de la partie législative du livre 1er du Code de l’urbanisme sans reprendre les dispositions de l’ancien article L. 142-12 du Code de l’urbanisme. Cet article régissait le droit de préemption dans les ENS créé en 1985 dont l’exercice a été confié aux départements et succédant aux zones précédemment délimitées par les préfets aux titres des anciens « périmètres sensibles ». Bien que résultant d’un choix délibéré ayant pour intérêt de clarifier la répartition des compétences, et faute de dispositions transitoires, cette malencontreuse abrogation a rendu le droit de préemption dans les ENS inapplicable à compter du 1er janvier 2016 dans les zones de préemption créées par les préfets, sauf à ce que les départements les aient incluses dans les zones de préemption qu’ils ont eux-mêmes créées au titre des espaces naturels sensibles (CE 29 juillet 2020, GFA Jourdain Pugibet, n° 439801, inédit).
La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 rétablit explicitement à son article 233 II le droit de préemption dans les anciens « périmètres sensibles » et valide « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée […] les décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et l’entrée en vigueur du présent article, en tant que leur légalité est ou serait contestée par un moyen tiré de l’abrogation de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme ».
La question de la constitutionnalité de cette validation est soulevée par un groupement foncier agricole (GFA) à l’occasion d’un contentieux portant sur une décision de 2018, fondée sur le périmètre sensible institué par un arrêté du préfet de l’Hérault de 1983, par laquelle le maire de Sauvian a exercé le droit de préemption du département au titre des ENS sur le domaine que le GFA Château d’Espagnac envisageait de céder.
Les requérants soutiennent que la disposition de validation méconnaît plusieurs articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Considérant que les deux premières conditions de transmission de la QPC sont remplies – dès lors que les dispositions législatives en cause sont bien applicables au litige en présence et que les dispositions contestées n’ont fait l’objet d’aucune déclaration préalable de conformité – le Conseil d’État examine son caractère sérieux.
Constatant que certaines décisions de préemption, prises entre le 1er janvier 2016 et l’entrée en vigueur de la loi Climat et Résilience, portant sur des biens situés dans une zone de préemption créée avant le 1er juin 1987 n’étaient pas devenues définitives, la Haute juridiction estime que la question présente un caractère sérieux quant à l’atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. La QPC soulevée par les requérants est transmise au Conseil constitutionnel.
A suivre donc…
CE 25 septembre 2023, n° 464315, GFA Jourdain Pugibet et autres