Par deux arrêts en date du 30 juin, le Conseil d’État illustre les potentialités du droit de préemption urbain pour la production de logements.
Classiquement, depuis la jurisprudence Commune de Meng sur Loire du 7 mars 2008 (n° 288371), l’exercice du droit de préemption suppose la réunion de deux conditions :
- La justification, à la date de l’exercice du DPU, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, même si les caractéristiques précises du projet n’ont pas été définies à cette date ; étant précisé, en matière de logement, que la politique locale de l’habitat fait partie des objets mentionnés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme et qu’un projet présente le caractère d’une action ou opération d’aménagement lorsqu’il concourt à la mise en œuvre d’un programme local de l’habitat (PLH) ou d’un programme d’orientation et d’actions d’un PLUi tenant lieu de PLH ou bien eu égard à son ampleur et à sa consistance ;
- La décision doit faire apparaître la nature du projet.
Par la suite, le Conseil d’État a précisé que la mise en œuvre du droit de préemption urbain devait répondre à un intérêt général suffisant, eu égard notamment aux caractéristiques du bien ou au coût prévisible du projet (CE 6 juin 2012, Sté Machines Outils, n° 342328).
Préemption en vue d’un programme mixte de logements dans une commune non déficitaire en logements sociaux
Dans la première affaire (n° 468543), il s’agit de savoir si la préemption d’un terrain pour réaliser une quarantaine de logements, soit la moitié à caractère social, présente un caractère d’intérêt général tandis que la commune sur le territoire de laquelle se situe le bien est déjà fortement dotée en logements sociaux.
Le Conseil d’État rappelle que les objectifs fixés par les dispositions de l’article L. 302-5 du CCH, issus de la loi SRU, constituent des seuils à atteindre et non des plafonds. Dès lors, le fait que la part des logements sociaux représente d’ores et déjà 40% des résidences principales ne permet pas de considérer que la décision de préemption ne poursuit pas un intérêt général. En outre, si le programme d’orientations et d’actions du PLUi tenant lieu de PLH, ne portant d’ailleurs que sur la période 2016-2021, prévoit un objectif de mixité sociale devant se traduire par une diminution de la part des logements sociaux dans les communes déjà fortement dotées, il vise également la réalisation en moyenne annuelle de 350 logements sur la commune, dont 70 logements sociaux et 18 en accession sociale. Le projet ne peut donc être de nature à compromettre la réalisation de l’objectif de mixité sociale ainsi fixé.
La préemption d’un terrain pour réaliser ce projet a pour objet la mise en œuvre d’une politique locale de l’habitat et répond ainsi aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme. De plus, eu égard à sa nature et son ampleur, celui-ci présente le caractère d’une action ou d’une opération d’aménagement, même s’il ne concourt pas directement à la mise en œuvre du PLH, qui, d’ailleurs, ne portait que sur la période 2016-2021. Enfin, en l’espèce, la réalité du projet est établie et la décision en mentionne la nature. La décision de préemption est donc légale.
Préemption pour la création de places de stationnement participant à la réalisation d’un programme de construction de logements sociaux
Dans la seconde affaire (n° 464324), la commune préempte un lot de volume consistant en une surface de sous-sol à usage d’aire de lavage pour les véhicules automobiles en vue de faire réaliser les places de stationnement exigées par les règles du PLU pour un projet situé à proximité de 12 logements dont 7 sociaux.
Pour le Conseil d’État, la réalité du projet doit être appréciée non au regard de la seule création de places de stationnement mais compte tenu des caractéristiques globales de l’opération d’aménagement à laquelle la création de ces places participe.
De plus, même si la décision porte sur un lot en sous-sol séparé du terrain d’assiette, elle participe à la réalisation d’un programme de construction de sept logements sociaux ; elle a donc pour objet la mise en œuvre d’une politique locale de l’habitat.
Enfin, le juge administratif indique que l’ampleur et la consistance du projet doivent être appréciées en fonction du contexte de la commune et de sa taille ; en l’espèce, il s’agit d’une commune marquée par une pression spéculative, une faible disponibilité de terrains et un nombre de logements sociaux insuffisant. Dès lors, ce projet doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d’une action ou d’une opération d’aménagement. La décision de préemption est donc légale.