Nombreuses sont les sociétés civiles dont l’objet social se résume à la simple détention d’un patrimoine immobilier mis à la disposition gratuite d’un ou de ses associés. Or, la société, personne morale de droit privé, dispose de sa propre personnalité morale, son propre objet et surtout son propre intérêt. Ainsi, même si de fait une personne morale n’est pas pleinement émancipée de ses associés, ces derniers se doivent de ne pas agir au travers du prisme sociétale dans leur seul intérêt mais à la faveur de la société, et donc de la collectivité de l’ensemble des associés.
C’est pourquoi, le droit des sociétés sanctionne, et ce quelque soit la forme sociale, les possibles excès sociétaires par la notion d’abus de bien social ou bien encore l’acte anormal de gestion.
La mise à disposition gratuite d’un bien détenu par une société civile au profit de ses associés peut-elle être considéré comme constitutif d’un tel abus et n’est-elle pas en contradiction avec l’intérêt autonome de la société ?
Civilement, même si l’occupation gratuite par un associé d’un logement détenu au travers d’une société civile reste discutée, elle n’est pas analysée en un acte anormal de gestion et reste donc possible. Il n’y a pas de risque d’abus, mais cette mise à disposition doit être autorisée par tous les associés (prévu dans l’objet social statutaire) ou à défaut par le gérant lorsque l’objet social l’y autorise, quel que soit le régime fiscal de la société (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés)[1]
C’est finalement sur le plan fiscal qu’il conviendra de rester vigilent :
Lorsque la société civile est soumise à l’impôt sur les sociétés, l’administration fiscale sanctionne doublement cette jouissance gratuite et considère qu’il doit être intégré dans le résultat de la société un loyer fictif correspondant à la valeur locative du bien. A défaut de réintégration fiscale il s’agit d’un acte anormal de gestion et aucune charge liée à l’immeuble ne pourra être déduite, notamment les amortissements et dépenses somptuaires. Le risque ne se limite pas là, l’associé peut également être sanctionné fiscalement (distribution occulte au titre des loyers non versé).
L’occupation gratuite par un associé d’un logement détenu par une société civile à l’IR est elle fiscalement plus raisonnable. La société ne sera pas imposée sur les loyers qui auraient dû être perçus, l’absence de recette a néanmoins pour conséquence que les charges afférentes au bien ne peuvent être admises en déduction.
Même si la société civile est un excellent support patrimonial et outil de transmission, Il est nécessaire de rester vigilent lorsqu’un tel montage est envisagé, notamment lorsque l’immeuble détenu par la société civile est meublé préalablement à la mise à disposition gratuite, entrainant un possible passage à l’impôt sur les sociétés et les conséquences qui y sont attachées.
[1] Cass 3ème civile 25 avril 2007 n°06-11.833/ CE 22 juillet 2022 n°444942 / CE 27 octobre 1999 n°172940