Le Conseil d’État précise les conditions d’exercice du droit de préemption commercial : la décision de préemption doit démontrer la réalité d’un projet répondant aux objectifs de l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme.
En l’espèce, une commune exerce le droit de préemption commercial prévu à l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme sur une cession du droit au bail consentie par une auto-école au profit d’une société qui exploite un commerce de boucherie attenant qu’elle souhaite agrandir.
L’acquéreur évincé saisit le juge des référés du tribunal administratif d’une demande de suspension de l’exécution de ladite décision de préemption. Le juge des référés ayant rejeté cette demande, l’acquéreur évincé se pourvoit en cassation contre l’ordonnance n° 2208879 du 19 décembre 2022.
Par une décision du 15 décembre 2023, le Conseil d’État précise les conditions d’exercice du droit de préemption commercial en se fondant sur les articles L. 214-1 et L. 210-1 du Code de l’urbanisme.
Il rappelle, d’une part, qu’en vertu de l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme, le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, à l’intérieur duquel sont soumises au droit de préemption les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux.
Et, d’autre part, qu’en vertu de l’article L. 210-1, les droits de préemption institués dans le Titre 1er du Livre II du Code de l’urbanisme – parmi lesquels figure le droit de préemption commercial – doivent être exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme.
Ainsi, en se fondant notamment sur une décision du 7 mars 2008, Commune de Meung-sur-Loire rendue en matière de droit de préemption urbain au visa de l’article L. 210-1 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’État précise que les collectivités titulaires du droit de préemption peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
Jugeant qu’en l’espèce la décision de préemption attaquée ne justifiait pas de la réalité d’un projet puisqu’elle :
- se bornait à viser la délibération instituant le périmètre de sauvegarde du commerce en précisant que l’extension d’un commerce déjà existant irait à l’encontre de l’objectif de diversité commerciale défini dans ledit périmètre et
- n’apportait de précision quant à la nature du projet poursuivi.
Le Conseil d’État prononce l’annulation de l’ordonnance du 19 décembre 2022, faisant droit au pourvoi de l’acquéreur évincé.