Pour déterminer le délai de prescription de l’action sanctionnant la méconnaissance du cahier des charges de lotissement, il convient de distinguer selon la nature de la clause.
Dans cette affaire, le propriétaire d’un lot assigne ses voisins en méconnaissance des dispositions d’un cahier des charges de lotissement, du fait de la construction huit ans auparavant, d’un abri à usage d’appentis et d’un local à vélos en limite de propriété. Considérant qu’il s’agit d’une action personnelle fondée sur le non-respect d’un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux, la cour d’appel juge son action en indemnisation et en démolition irrecevable car prescrite. Le demandeur se pourvoit en cassation arguant du fait que son action en démolition est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire.
Sur le fondement des articles 2224 et 2227 du Code civil, la Cour de cassation rappelle en effet la distinction entre l’action visant à obtenir la démolition d’une construction édifiée en méconnaissance d’une charge réelle – laquelle constitue une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire – et l’action visant la réparation d’un préjudice personnel né de la violation du cahier des charges – laquelle constitue une action personnelle soumise à la prescription quinquennale.
En conséquence, bien que le cahier des charges du lotissement soit un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux, il appartient au juge de rechercher si les droits issus de la clause du cahier des charges dont la méconnaissance est invoquée sont des droits réels, autrement dit, si ladite clause constitue une charge réelle grevant un lot au profit des autres lots.
La Cour de cassation en déduit, en l’espèce, que l’article 7 du cahier des charges de lotissement n’instaurait pas d’obligation personnelle entre les colotis mais établissait des « servitudes réciproques et perpétuelles » qualifiables de charge réelle grevant chacun des lots au profit des autres.
A cet égard, la Cour rend un arrêt de cassation partielle estimant que si c’est à bon droit que l’action en dommages intérêts a été jugée prescrite, en revanche c’est à tort que la cour d’appel a considéré que l’action en démolition l’était également (le délai de prescription ayant commencé à courir le 30 juin 2008, date à laquelle le requérant a eu connaissance de la construction litigieuse).
Par ailleurs, rappelons qu’il est admis de jurisprudence constante que tout colotis est fondé à demander que les bâtiments construits en violation du cahier des charges soient démolis, sans avoir à justifier d’un préjudice (v. Cass. 3eme civ. 19 mai 1981, Cass. 3eme civ. 21 juin 2000, n° 98-21.129 et Cass. 3eme civ. 12 février 2008, n° 06-20.185).
Cass. 3ème civ. 6 avril 2022, n° 21-13.891