La transformation de bureau en logement est au cœur des réflexions tant des pouvoirs publics que des acteurs de l’immobilier. Convaincre les propriétaires de vendre un bien à un valeur inférieure à celle figurant dans ses comptes est une difficulté importante. André Yché, dans son rapport pour une nouvelle économie immobilière, propositions destinées à faciliter l’émergence d’une industrie de la transformation des actifs immobilier de juin 2024, traite des différents outils pouvant permettre de débloquer la situation. Il évoque la vente à réméré. En quoi consiste cet outil relativement méconnu des acteurs de l’immobilier ?
Aux termes de l’article 1659 du Code civil, la faculté de rachat (ou « vente à réméré ») est le contrat par lequel le vendeur « se réserve de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal » et le remboursement, énoncé à l’article 1673 du même code des « frais et loyaux coûts de la vente, les réparations nécessaires et celles qui ont augmenté la valeur du fonds, jusqu’à concurrence de cette augmentation ».
Cette faculté, dont l’exercice est limité à cinq années au maximum, peut être instituée dans une vente d’immeuble (mais aussi dans celle de biens mobiliers).
En principe, le prix de rachat est égal au prix de vente puisque le rachat s’opère moyennant la restitution du prix principal. Toutefois la jurisprudence a validé la stipulation de clauses prévoyant un prix de rachat supérieur au prix de vente initial, estimant qu’il n’existait aucune prohibition légale à cet égard (Cass. 3ème civ. 13 novembre 1970, n° 68-13.109) ; mais cela n’exclut toutefois pas certaines limites, la plus évidente étant que cela ne soit pas une façon de dissimuler un pignoratif.
Exempte en principe d’exigence de forme spécifique, la vente à réméré doit, lorsqu’elle porte sur un immeuble, pour satisfaire aux exigences d’opposabilité aux tiers, être établie par acte authentique, corrélativement publié au service de la publicité foncière
La faculté de rachat peut être pure et simple ou être elle-même affectée de conditions suspensives ou résolutoires.
La vente à réméré : une vente sous condition résolutoire
Pendant le délai du réméré, avant l’exercice de la faculté de rachat, le vendeur est seulement titulaire d’un droit de créance personnel sur l’acquéreur, cessible sauf clause contraire.
L’acquéreur, propriétaire du bien acquis, jouit de toutes les prérogatives attachées à la cette qualité et en supporte toutes les charges. S’il peut accomplir des actes de disposition, ceux-ci sont en revanche soumis à la condition résolutoire inhérente à ce type de vente et sont donc susceptibles d’être anéantis en cas d’exercice par le vendeur de sa faculté de rachat.
La seule déclaration de volonté du vendeur d’exercer sa faculté de rachat n’entraine pas la résolution de la vente, laquelle intervient à la condition que le vendeur ait remboursé le prix de vente versé par l’acquéreur et les frais énoncés plus haut.
La particularité de l’exercice de la faculté de rachat est que la vente est résolue avec effet rétroactif : les parties sont replacées dans le même état où elles se trouvaient antérieurement à la vente.
Ce principe souffre deux tempéraments :
- Le vendeur est tenu d’exécuter les baux faits sans fraude par l’acquéreur (art. 1673 al. 2 du Code civil) ;
- L’acquéreur ne restitue pas les fruits du bien qu’il a fait siens avant l’exercice de la faculté de rachat.
Si le vendeur n’exerce pas sa faculté de rachat dans le délai prescrit, il en est déchu de plein droit et l’acquéreur en demeure propriétaire de façon irrévocable (art. 1662 du Code civil).
Le recours à la vente à réméré peut être conçu comme un outil de contrôle de la destination du bien vendu. Certains vendeurs, notamment les collectivités territoriales, recourent à la vente à réméré pour contrôler la destination du bien acquis ; en pareil cas, la faculté de rachat par le vendeur sera par exemple ouverte dans le seul cas de la non-obtention par l’acquéreur, à une date précise (inférieure à cinq ans) des autorisations nécessaires à la réalisation du projet qu’il s’était engagé à réaliser.
Ce contrat doit en revanche être utilisé avec une extrême précaution et, comme dans d’autres matières, ne doit pas dissimuler un abus, une fraude, ou une violation de dispositions d’ordre public. Dès lors une telle vente ne doit pas dissimuler une opération de crédit contrevenant au monopole bancaire, aux dispositions protectrices des emprunteurs relatives notamment au taux d’usure, ou à celles prohibant des pactes commissoires. Les juges exercent à cet égard leur contrôle avec vigilance (V. par ex. Cass. 3ème civ. 24 juin 2021, n° 18-19.771).