Par un arrêt du 25 mai 2023 la troisième chambre civile opère un revirement. Elle énonce, dans une affaire concernant la succession de sept conventions d’occupation d’un local où était exploité un « piano bar restaurant », que « le délai de prescription biennal applicable à l’action en requalification … court, même en présence d’une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée », à savoir le dernier en vigueur.
Selon l’article 145-60 du Code de commerce, toutes les actions exercées en matière de baux commerciaux statutaires sur le fondement des dispositions dudit code se prescrivent par deux ans.
Cette prescription biennale est applicable à la requalification d’un contrat en bail commercial que celui-ci ait revêtu la forme d’un contrat de location gérance (Cass. 3ème civ. 29 octobre 2008 n° 07-16.185) ou d’un bail professionnel (Cass. 3ème civ. 23 novembre 2011, n° 10-24.163) voire d’un bail emphytéotique (CA Limoges 10 mars 2011 n° 09/01433 ; CA Bastia 8 avril 2015 n° 14/00163).
Jusqu’alors, le point de départ de cette action était fixé au jour de la conclusion du contrat initial, y compris en présence d’un ou plusieurs renouvellements (Cass. 3ème civ. 14 septembre 2017 n° 16-23.590 ; Cass. 3ème civ. 17 septembre 2020 n° 19-18.435 ; V. par exemple pour une sous location dissimulée sous forme de location gérance renouvelée deux fois Cass. 3ème civ. 3 décembre 2015, n° 14-19.146). Un contrat renouvelé, une ou plusieurs fois, ne pouvait donc plus être requalifié en bail commercial plus de deux ans après sa conclusion initiale.
Par un arrêt du 25 mai 2023 la troisième chambre civile opère un revirement. Elle énonce, dans une affaire concernant la succession de sept conventions d’occupation d’un local où était exploité un « piano bar restaurant » , que « le délai de prescription biennal applicable à l’action en requalification … court, même en présence d’une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée », à savoir le dernier en vigueur.
La solution antérieure privilégiait une certaine « paix commerciale » et appliquait la même solution après une (relativement) longue durée (à savoir deux ans), que l’on soit en présence d’un contrat initial qui excédait cette durée ou de plusieurs courts contrats successifs ayant conduit à la dépasser. Une logique fonctionnelle prévalait.
Pour inattendue qu’elle puisse paraître, la solution issue de ce revirement n’est pas pour autant illogique dès lors que le renouvellement d’un contrat donne, sans ambiguïté, naissance à un nouveau contrat (cf. art. 1214 Code civil). Cette solution devrait conduire à un accroissement du nombre de contentieux en cette matière.
Soulignons cependant que l’action objet de l’arrêt commenté et des arrêts précités doit être distinguée de l’action visant à faire constater l’existence d’un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du preneur à l’issue d’un bail dérogatoire ; la Haute Juridiction vient en effet d’énoncer que cette action qui résulte du seul effet de l’article L. 145-5 du Code de commerce, n’est pas soumise à prescription (Cass. 3ème civ. 25 mai 2023, n° 21-23.007).