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La restriction d’achat immobilier au Canada pour les non canadiens : de la difficulté de trouver une solution pancanadienne efficace et pérenne

20 Fév 2024 Newsletter

Paroles à Me Nathalène CHAPUIS, notaire à Montréal, Québec, Canada - Au Canada, depuis le 1er janvier 2023, une loi restreint les achats de biens immobiliers par les non canadiens. On parle ici bien de non canadiens, et pas de non-résidents. La loi a été adoptée par le Parlement le 23 juin 2022 et est applicable depuis le 1er janvier 2023. Outre le texte de la loi, il est important de comprendre la réalité canadienne qui entoure l’élaboration et la mise en œuvre de celle-ci.

On pouvait, initialement, lire sur le site du parti politique de notre premier Ministre, Justin Trudeau qu’il est nécessaire de (…) veiller à ce que les Canadiens aient un plus large accès à l’achat de propriétés (…).

L’élaboration d’une loi est déjà un défi en soi, la spécificité canadienne rend ce défi encore plus complexe. En effet, les disparités économiques et juridiques entre chacune des provinces canadiennes ont un impact tangible lors du processus législatif, allant des raisons qui poussent à agir, jusqu’à l’application sur le terrain de la loi.

En amont de la loi, une surchauffe du marché immobilier a été avancée pour la justifier. Le Canada est le deuxième plus grand pays au monde en termes de superficie. Les raisons et l’existence d’une surchauffe immobilière à Vancouver et celles à Montréal, qu’environ 4 000 km séparent, doivent être comparées avec précaution. Ces mêmes précautions devront aussi être de mise quand il faudra analyser l’impact de ce moratoire, chaque province ayant une réalité économique qui lui est propre.

En aval de la loi, il y a aussi des spécificités au Québec. En effet, le Québec est la seule province canadienne qui n’est pas régie par le droit anglais, mais par le droit civil. Elle est aussi la seule province dans laquelle il existe des notaires, officiers publics impartiaux, qui sont en charge de la très grande majorité des transactions immobilières. Enfin, la langue officielle du Québec est le français, alors que les langues officielles du Canada sont le français et l’anglais. Les textes législatifs doivent être rédigés dans les deux langues. Une législation fédérale doit donc tenir compte de ces disparités légales provinciales et utiliser des termes et expressions qui puissent être compris et appliqués facilement dans tous les systèmes juridiques provinciaux et dans les deux langues officielles.

Par exemple, plusieurs mots utilisés dans la loi ont suscité des questionnements quant à la portée du texte. Il a, notamment, fallu obtenir un jugement déclaratoire au Québec pour valider que les achats à être effectués après l’entrée en vigueur de la loi, mais dont les avant-contrats avaient été signés avant, échappaient à ce moratoire. Les enjeux étaient de taille. Ensuite, on mentionne, dans l’article 6(1) de la loi, les tiers qui pourraient être impliqués dans cet achat : (…) toute personne ou entité qui conseille, incite, aide ou encourage ou tente de conseiller, d’inciter, d’aider ou d’encourager un non-Canadien à acheter, directement ou indirectement, un immeuble résidentiel, tout en sachant que la présente loi en interdit l’achat à ce dernier,(…). Les professionnels se sont alors interrogés pour connaître la mesure de leurs responsabilités respectives au regard de cette loi. Dans la réalité québécoise, l’article 2693 du Code civil du Québec impose que : L’hypothèque immobilière doit, à peine de nullité absolue, être constituée par acte notarié en minute. Puisque les transactions d’acquisition sont majoritairement financées par un emprunt garanti par hypothèque, les notaires se sont donc naturellement imposés dans ce domaine. Pourtant, dans la foire aux questions de la Société Canadienne Hypothécaire du Logement (1) à cette question, seuls les courtiers immobiliers et les avocats sont cités comme exemple de tiers (2).

Cette loi et un décret, ont été complétés par un règlement d’application, tous entrés en vigueur le 1er janvier 2023. Un jugement déclaratoire a dû ensuite être rendu pour clarifier la loi. Sa mise en œuvre a généré des critiques, entendues en partie par le législateur, puisqu’une modification réglementaire est entrée en vigueur le date du 27 mars 2023. Cette dernière modification est venue désormais, notamment, admettre comme acquéreur non canadien :

  • le titulaire d’un permis de travail à condition de disposer d’un permis de travail ou d’une autorisation de travail demeurant valide pour 183 jours ou plus à compter de la date d’achat et de ne pas acheter plus d’un immeuble résidentiel ;
  • les sociétés privées et des entités privées constituées en vertu des lois fédérales ou provinciales et contrôlées par un non-Canadien à moins de 10 % (et non plus 3%).
  • tout non canadien qui achète pour fin d’aménagement ;

D’un point de vue pratique, les zones d’ombre de la loi ainsi que les modifications ou jugement déclaratoire subséquents ne contribuent pas à la prévisibilité et stabilité du marché immobilier. Cela laisse les acheteurs non canadiens potentiels, les vendeurs et les tiers dans une situation pouvant être délicate. Il pourrait même se créer une inconsciente réticence générale des vendeurs et-ou professionnels à l’égard des non canadiens en général, qu’ils puissent ou pas, au final, légalement acheter. Ces mêmes professionnels se trouvent à devoir s’adapter, parfois dans des délais très courts, à ces évolutions de la loi. On voit à présent, bien légitimement, des institutions financières, demander aux futurs acheteurs, avant de débuter leurs démarches, de se faire confirmer par un notaire qu’ils sont autorisés à acheter selon la loi. Le notaire québécois, chef d’orchestre, et normalement seul juriste de la transaction immobilière (3), voit ainsi sa tâche s’alourdir, dans un domaine relevant parfois davantage du droit de l’immigration. Me Alexandre Hénaut, avocat et spécialiste du droit de l’immigration, nous alerte sur ce point.

Je vois là un précieux enseignement à tirer de cette « épopée législative ». L’acquisition par un non canadien d’un bien immobilier au Canada-Québec doit, plus que jamais, être anticipée et s’inscrire dans une planification plus globale que les notaires, avocats, fiscalistes et banquiers de tous les pays impliqués doivent orchestrer de concert (4).

Merci  à Me Nathalène CHAPUIS

 

(1) La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) est l’organisme national responsable de l’habitation au Canada.

(2) Les tiers, comme les courtiers immobiliers ou les avocats, ont-ils un rôle à jouer dans l’application de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non-Canadiens ? Non. Il incombe à la personne qui achète l’habitation de s’assurer qu’elle respecte la Loi. La Loi n’oblige pas les courtiers immobiliers, les avocats ou d’autres personnes à s’assurer que les gens la respectent.(…).

(3) Le notaire québécois est seul à procéder à une transaction immobilière et conseille, comme officier public impartial, les deux parties (contrairement à la France, où acquéreur et vendeur peuvent chacun se faire représenter par leur notaire).

(4) Nathalène Chapuis, «Analyse à 360 de l’acquisition au Québec d’un immeuble par un non résident», Entracte Vol. 31 , 2023, pp. 12-14




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