Cheuvreux Paris

La déclaration des dispositifs transfrontières (DAC 6)

23 Mar 2021 Veille juridique

La « DAC 6 » désigne la directive européenne (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 (modifiant la directive 2011/16/UE 15 février 2011) relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration.

Celle-ci a instauré à compter du 1er juillet 2020, une obligation à la charge des intermédiaires (tels les notaires ou les avocats, par exemple), ou encore directement des contribuables, imposant de déclarer à l’administration fiscale tout dispositif transfrontière dès lors que celui-ci répond à certains critères, visant ainsi à renforcer la coopération entre les administrations fiscales des pays de l’Union Européenne en matière de montages « potentiellement agressifs » de planification fiscale.

Tous les contribuables sont concernés, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, ainsi que tout intermédiaire concepteur ou prestataire de service ayant un lien territorial avec la France.

De même tous les impôts au sens large rentrent dans le dispositif à l’exception, toutefois, des droits de douane, droits d’accises et les cotisations sociales obligatoires. Aucune définition précise du dispositif n’étant visée aux termes même de la Directive, le Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFIP) est venu préciser que celui-ci « recouvre, notamment, tout accord, entente, mécanisme, transaction ou série de transactions, qu’ils aient ou non force exécutoire. Il recouvre en particulier la création, l’attribution, l’acquisition ou le transfert du revenu lui-même ou de la propriété ou du droit au titre duquel le revenu est dû ».

Sont concernés tous les dispositifs initiés à compter du 1er juillet 2020, ainsi que ceux dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 30 juin 2020.

Le dispositif est considéré comme transfrontière à partir du moment où il concerne la France et un autre Etat (membre ou non de l’Union Européenne) et répond à une condition de résidence ou d’activité des participants. Pour donner lieu à déclaration, celui-ci doit répondre à au moins l’un des marqueurs suivants :

  • Marqueurs généraux liés aux critères de l’avantage principal (A),
  • Marqueurs spécifiques liés aux critères de l’avantage principal (B),
  • Marqueurs spécifiques liés aux opérations transfrontières (C),
  • Marqueurs spécifiques concernant l’échange automatique d’informations et les bénéficiaires effectifs (D),
  • Marqueurs spécifiques concernant les prix de transfert (E).

Comme indiqué ci-dessus, et en sus du contribuable lui-même, entre dans le champ de la directive l’ensemble des intermédiaires qu’ils soient « concepteurs » du dispositif transfrontière devant faire l’objet de la déclaration, ou « prestataires de service ». Le notaire semble rentrer dans cette seconde catégorie comme étant amené, par essence, à fournir une assistance ou des conseils pouvant entrer dans le champ d’application de la directive. Preuve en est la teneur de l’article 1649 AE, I-2°) d) du Code Général des Impôts qui vise expressément tout intermédiaire « enregistré [en France] auprès d’un ordre ou d’une association professionnelle en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil ou, bénéficie[r] d’une autorisation d’exercer en France délivrée par un tel ordre ou association professionnelle ».

Eu égard à ce qui précède, va se poser la question de la combinaison entre l’obligation déclarative et le respect du secret professionnel. En pratique la déclaration auprès des autorités compétentes nécessitera l’accord préalable du client, contrairement aux déclarations de soupçon adressées à la cellule TRACFIN en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. A défaut, l’obligation déclarative incombera à tout autre intermédiaire ou au contribuable concerné.

Toutefois, l’intermédiaire sera dispensé de déclarer les informations en sa possession s’il peut prouver que ces informations ont déjà été déclarées en France ou dans un autre Etat.

Se pose également la question des dispositifs transfrontières mis en œuvre entre le 25 juillet 2018 et le 1er juillet 2020 : un report du dépôt des déclarations au 28 février 2021 au plus tard a été voté aux termes de la 3ème Loi de Finance Rectificative pour 2020.

S’agissant des dispositifs à compter du 1er janvier 2021 l’article 1649 AG du Code Général des Impôts dispose que les intermédiaires prestataires de services, tels les notaires, disposent d’un délai de 30 jours à compter du lendemain du jour de la fourniture de l’aide, de l’assistance ou des conseils pour procéder à la déclaration.

 

Les éléments qui doivent être précisés aux termes de la déclaration sont les suivants :

1 / Concernant les intermédiaires et les contribuables :

  • nom, date et lieu de naissance pour les personnes physiques,
  • résidence fiscale,
  • numéro NIF,
  • entreprises associées aux contribuables concernés

2 / Concernant le dispositif et les marqueurs :

Des informations détaillées sur le ou les marqueurs justifiant de la déclaration, ainsi qu’un résumé du contenu du dispositif (avec date de la première étape de mise en œuvre).

La déclaration se fait par voie électronique en se connectant sur l’espace dédié :

https://www.impots.gouv.fr/portail/directive-ue-dac6-declaration-des-dispositifs-transfrontieres

 

A défaut de déclaration dans les formes et délais ci-dessus exposés, le contribuable et l’intermédiaire s’expose à une amende de 10.000,00 euros (l’amende étant ramenée à 5.000,00 euros en cas de primo-infraction au titre de l’année en cours et des trois précédentes), sans que le montant cumulé de l’amende ne puisse excéder 100.000,00 euros par an pour un même intermédiaire ou un même contribuable.

Au regard de la pratique notariale quotidienne, il ne s’agira pas d’établir une déclaration basée sur l’unique intervention d’une partie de nationalité ou de résidence fiscale étrangère à l’acte, l’élément d’extranéité n’étant en lui-même pas suffisant.

En revanche, la présence d’une société-écran constituée elle-même par des entités de droit étranger ou des trust, rendant difficile voire impossible la détermination du bénéficiaire effectif d’une opération rendra nécessaire la déclaration.

En tout état de cause, la DAC 6 promet de bouleverser notre pratique professionnelle tant au regard des relations entre le notaire et son client, que de la responsabilité du notaire en elle-même. Néanmoins, le champ d’application semble pour l’heure beaucoup trop large pour avoir une véritable efficacité pratique en l’état. Il parait donc indispensable que la doctrine administrative se prononce rapidement pour préciser les contours de ces obligations déclaratives.




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