A l’occasion d’une décision du 14 décembre 2022, le Conseil d’État apporte des précisions sur la notion de confirmation d’une demande initiale de permis de construire (c. urb., L 600-2) ainsi que sur l’office du juge en matière de sursis à statuer lorsque l’autorisation est susceptible d’être régularisée (c. urb., L. 600-5-1).
Dans cette affaire, la société Eolarmor dépose une demande de permis de construire pour la démolition partielle, la rénovation et l’extension d’un bâtiment existant en vue de la réalisation d’un immeuble collectif de douze logements sur le territoire de la commune de Trébeurden. En 2018, après une première procédure contentieuse débutée en 2014, la société obtient la délivrance du permis sollicité. Toutefois, les associations Avenir du littoral et Trébeurden Patrimoine et Environnement saisissent le juge administratif d’un recours tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de ce permis. Contrairement au Tribunal administratif de Rennes, la Cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt du 20 octobre 2020, fait droit à la demande des associations. La société bénéficiaire du permis forme un pourvoi en cassation.
Le présent contentieux soulève la question, inédite à ce jour devant le Conseil d’État, comme le souligne le rapporteur public N. Agnoux dans ses conclusions, de savoir si et dans quelle mesure, le pétitionnaire – sorti gagnant d’un contentieux – qui confirme sa demande d’autorisation peut apporter des modifications à son projet initial, sans perdre le bénéfice de la cristallisation des règles d’urbanisme prévue à l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme.
Pour mémoire, aux termes de l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme, la demande d’autorisation, si elle est confirmée par le pétitionnaire dans un délai de six mois, « ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée ».
La Haute juridiction valide la solution de la Cour administrative d’appel. Au cas d’espèce, les conseillers considèrent que la demande présentée par la société Eolarmor ne peut être appréhendée comme une confirmation de sa demande d’autorisation initiale dès lors qu’elle implique une modification du projet dépassant de simples ajustements ponctuels. Par conséquent, la demande perd le bénéfice de la cristallisation des règles d’urbanisme prévue à l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme. Autrement dit, la demande qui comprend des changements substantiels doit être instruite au regard du droit actuel et non pas au regard des règles en vigueur à la date de la décision de refus annulée.
Bien qu’ayant souligné qu’en raison de leur caractère dérogatoire les dispositions de l’article L. 600-2 doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, le juge, d’une part, n’a pas opté pour une interprétation littérale de la loi afin de permettre au pétitionnaire de réaliser des ajustements au projet initialement présent. D’autre part, nous constatons qu’il n’a pas non plus opté pour une position libérale analogue à la solution retenue à l’égard du champ d’application du permis de régularisation et, plus récemment, du permis de construire modificatif (CE 26 juillet 2022, n° 437765).
Enfin, le Conseil d’État précise l’office du juge en matière de sursis à statuer pour régularisation. A cet égard, il indique que les juges du fond, dès lors qu’ils ne sont pas saisis d’une demande de régularisation, ne sont pas tenus de motiver leur refus de faire un usage de leur obligation de surseoir à statuer de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme. En effet, les conseillers considèrent qu’en ne faisant pas usage du sursis à statuer, les juges d’appel ont « implicitement mais nécessairement estimé que l’un au moins des vices affectant la légalité du permis de construire était insusceptible d’être régularisé ».
CE 14 décembre 2022, n° 448013, Société Eolarmor