Par une décision du 26 avril 2024, les juges de la Haute juridiction administrative apportent des précisions concernant la notion d’exploitant de fait à distinguer de la notion d’exploitant de droit d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE).
En l’espèce, la société Foncière Industrie exerce une activité de promotion immobilière. Elle est propriétaire d’un entrepôt qu’elle loue à la société Collectors qui y exploite une activité de stockage de déchets non dangereux relevant de la rubrique 2714 de la nomenclature ICPE. Cet exploitant, placé en liquidation judiciaire en juillet 2016, est mis en demeure par le préfet du Rhône le 7 avril 2017, de réaliser la cessation d’activité et de procéder à l’évaluation de l’ensemble des déchets présents dans l’entrepôt conformément à son obligation de remise en état. Pour mémoire, la remise en état d’un site qui a supporté une ICPE incombe au dernier exploitant. Il s’agit d’une obligation d’ordre public.
Un mois avant la mise en demeure de l’exploitant, la société Foncière Industrie, souhaitant vendre l’entrepôt, fait déplacer les déchets le 7 mars 2017 dans un autre local loué à cet effet sur le territoire d’une autre commune. Dès lors, sur le fondement des dispositions de l’article L. 171-7 du Code de l’environnement, le préfet du Rhône met mis en demeure la société Foncière Industrie, par un arrêté du 4 janvier 2018 :
- soit de procéder à l’évacuation des déchets présents sur le site et de déposer un dossier de cessation d’activité dans un délai de trois mois ;
- soit de régulariser, dans le même délai, la situation administrative de cette activité soumise à autorisation au titre des ICPE.
Le préfet prononce en outre par deux arrêtés complémentaires du 31 août et du 26 décembre 2018, à l’encontre de la société Foncière Industrie, une astreinte de 50 euros par jour de retard à défaut d’exécution de ses prescriptions.
Par un jugement du 10 octobre 2019, le Tribunal administratif de Lyon annule ces trois arrêtés. La Cour administrative d’appel de Lyon confirme, par son arrêt du 29 juin 2022, le jugement du tribunal. Les requérants, à savoir notamment le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires demandent au Conseil d’État d’annuler cet arrêt.
Après avoir rappelé les dispositions applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation, le Conseil d’État rappelle les dispositions de l’article L. 171-7 du Code de l’environnement, selon lesquelles, lorsque des installations sont exploitées sans avoir fait l’objet de l’autorisation requise, l’autorité compétente met l’intéressé en demeure de régularisation la situation dans un délai qu’elle détermine. C’est sur ce fondement que la Société Foncière Industrie a été enjointe soit de réaliser la cessation d’activité, soit de déposer un dossier de demande d’autorisation.
En effet, la société Foncière Industrie, a, de sa propre initiative fait procéder à l’évacuation des déchets non dangereux qui étaient stockés par l’exploitant dans l’entrepôt qui lui était loué et a également fait entreposer ces déchets sur un autre site qu’elle a loué à cette fin.
Dès lors, la cour d’appel a entaché son arrêt d’une erreur de qualification juridique des faits. En déplaçant et en stockant les déchets sur un site, de sa propre initiative, la société Foncière Industrie doit être regardée comme exploitante d’une ICPE relevant de la rubrique 2714 distincte de la première installation exploitée par la société Collectors. In fine, en déplaçant les déchets, la société est devenue exploitant de fait.