A l’occasion d’une décision du 19 juillet 2023, le Conseil d’État confirme sa jurisprudence constante sur la nature des opérations pouvant être autorisées sur un emplacement réservé. Il rappelle notamment qu’au sens de l’article L.151-41 du Code de l’urbanisme, seul un projet conforme à la destination de l’emplacement réservé peut faire l’objet d’une autorisation d’urbanisme.
L’affaire soumise aux juges est la suivante. En juillet 2021, une société se voit délivrer un permis de construire portant autorisation d’exploitation commerciale, après avis favorables de la Commission départementale d’aménagement commercial du Var et de la Commission nationale saisie suite au recours d’une association. A la date du permis de construire, lequel consiste en la construction d’un ensemble commercial d’une surface de vente totale de 2 196 m², l’assiette du projet est un terrain grevé d’une servitude d’emplacement réservé par le plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Vidauban pour la réalisation d’une voie de circulation. Une association attaque le permis au motif qu’il méconnait l’objet de l’emplacement réservé.
Pour mémoire, l’emplacement réservé est une servitude d’urbanisme qui grève le terrain et contraint son usage. Par principe, le terrain devient donc inconstructible – par exception des constructions à caractère précaire peuvent toutefois être autorisées. L’inconstructibilité sur l’emprise de l’emplacement réservé n’est levée que pour la réalisation de l’opération pour laquelle l’emplacement réservé a été institué et dans les conditions prévues par la réserve.
Abandonnant sa jurisprudence antérieure plus rigoureuse, en 2016, le Conseil d’État introduit un tempérament à ce principe d’inconstructibilité et considère que peut être délivrée une autorisation portant à la fois sur l’opération seule susceptible d’être autorisée compte tenu de la réserve et sur un autre projet, pourvu que celui-ci soit compatible avec la destination assignée à l’emplacement réservé. Il faut néanmoins qu’il s’agisse d’un projet unique (CE 20 juin 2016, n° 386978).
En l’espèce, la Cour administrative de Marseille déboute l’association de sa demande d’annulation du permis de construire portant autorisation d’exploitation commerciale au motif que l’équipement prévu pouvait être réalisé à un autre endroit. Ce raisonnement est condamné par le Conseil d’État qui confirme sa solution de 2016 et limite étroitement le tempérament au principe d’inconstructibilité à l’hypothèse de mixité d’un projet unique global avec réalisation de l’objet de la réserve. Autrement dit, les conseillers d’État rappellent qu’hormis dans le cas d’un projet mixte, l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme est tenue de refuser d’autoriser tout projet qui ne serait pas conforme à la destination de l’emplacement réservé, et ce tant qu’aucune modification du PLU emportant changement de la destination n’est intervenue. Partant, il importe peu que l’opération projetée ne fasse pas obstacle à l’exécution ultérieure de la réserve sur un autre terrain.
A titre complémentaire, précisons que lorsque la localisation exacte de l’équipement n’est pas arrêtée, l’article L. 151-41 du Code de l’urbanisme offre la possibilité à l’autorité compétente en quête de souplesse d’instaurer des servitudes de pré-emplacement des voies dans le règlement des zones urbaines et à urbaniser. Auquel cas, l’administration instruit les demandes de permis de construire dans un rapport de compatibilité avec l’équipement projeté.