Le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan est réglementé par un régime très protecteur du maître de l’ouvrage. A cet égard, celui-ci est couvert par une garantie de livraison, à compter de la date d’ouverture du chantier, contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus. Le garant prend à sa charge, en cas de défaillance du constructeur, (i) « le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu’ils sont nécessaires à l’achèvement de l’ouvrage », (ii) les sommes perçues par anticipation par le constructeur ou réglées en supplément de prix ainsi que (iii) le paiement des pénalités de retard de livraison prévues dans le contrat (article L. 231-6 I du Code de la construction et de l’habitation). Cette garantie de livraison offre ainsi une couverture assez large mais qui n’est pas pour autant illimitée. C’est ce que rappelle l’arrêt commenté, s’agissant plus précisément de la prise en charge des dépassements de prix convenus nécessaires à l’achèvement de l’ouvrage.
En l’espèce, un constructeur de maison individuelle souscrit une garantie de livraison et une assurance dommages-ouvrages pour la construction d’une maison avec fourniture de plans commandée par des particuliers. La maison fait l’objet de désordres dont la réparation nécessite de la démolir puis de la reconstruire. Les propriétaires assignent alors le constructeur, ainsi que le garant au titre de la livraison, en paiement du coût de démolition et de reconstruction de l’immeuble et en indemnisation de divers préjudices. Le garant au titre de la livraison se retourne contre l’assureur décennal du constructeur.
Le constructeur et son garant sont condamnés in solidum par la Cour d’appel en paiement, d’une part, des travaux réservés au maître de l’ouvrage et des travaux connexes et, d’autre part, des frais de déménagement et de location d’un logement. L’appel en garantie formé par le garant à l’encontre de l’assureur est en revanche rejeté par les juges du fond, qui considèrent que les désordres ne sont pas de nature décennale.
Condamnée en appel tout en voyant son appel en garantie de l’assureur rejeté au motif que les désordres ne sont pas de nature décennale, la société garante se pourvoit en cassation, et obtient gain de cause auprès de la Haute Juridiction.
Celle-ci censure la condamnation du garant à régler les travaux de finition réservés et les travaux connexes, au motif que la Cour d’appel n’a pas démontré que leurs coûts correspondaient à un dépassement du prix convenu nécessaire à l’achèvement de la construction. Dès lors, s’agissant de préjudices distincts, le garant n’est pas tenu de les prendre en charge, sauf stipulation contraire dans le contrat de garantie. Tel est également le cas pour les frais de déménagement et de location d’un logement de substitution, qui ne sont pas couverts par l’engagement de garantie.
De la sorte, cette décision rappelle l’importance, s’agissant de l’étendue de la garantie, du critère de la nécessité des travaux pour l’achèvement de la construction.
Le caractère déterminant de ce critère a déjà été mis en exergue par la Haute Juridiction, non pas pour écarter la garantie de livraison mais, au contraire, pour l’appliquer à des travaux qui n’avaient pas été acceptés formellement par le garant de sorte qu’ils auraient dû en principe être exclus de la couverture (Cass. 3ème civ. 27 juin 2019, n° 17-25.949). A l’inverse, dans l’arrêt commenté, c’est justement cette absence de nécessité des travaux pour achever la construction qui a conduit la Cour à écarter la garantie de livraison.
Enfin, on peut relever qu’au-delà de la question de l’objet de la garantie, l’arrêt commenté rappelle une jurisprudence établie concernant le concours de cette garantie avec l’assurance dommages-ouvrages. Plus précisément, la Haute Juridiction censure le rejet par les juges du fond du recours diligenté à l’encontre de l’assureur en responsabilité obligatoire, considérant que la gravité des désordres affectant la maison, décrite comme « complètement bancale et de guingois », qui ne pouvait être réparée sans être démolie puis reconstruite, est bien de nature décennale. Les travaux ont dès lors vocation à être couverts par l’assureur en responsabilité décennale.
Certes, le maître de l’ouvrage peut actionner la garantie de livraison en présence de désordres de nature décennale sans être tenu en amont de mettre en œuvre l’assurance dommages-ouvrages et responsabilité décennale (Cass. 3ème civ. 12 janvier 2000, n° 98-15.279). Il n’en demeure pas moins que le garant au titre de la livraison peut dans ce cas exercer un recours subrogatoire à l’encontre de l’assureur de dommages-ouvrages, afin d’être remboursé des sommes déboursées au titre des désordres décennaux (Cass. 1ère civ. 3 juillet 2001, n° 98-12.570 ; Cass. 3ème civ. 13 novembre 2003 n° 02-14.500).