Le juge interprète la volonté des parties au regard des termes clairs et précis des clauses stipulées dans le cadre de la promesse de vente qui lui est soumise. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 15 février dernier.
En l’espèce, une promesse synallagmatique de vente de parcelles et bâtiments agricoles est conclue sous condition suspensive d’obtention par l’acquéreur d’un prêt bancaire. Cette dernière comporte des clauses relatives au défaut de réitération de la vente par l’une des parties, soit :
- Une stipulation aux termes de laquelle « si l’ensemble des conditions suspensives prévues aux présentes sont réalisées et que l’ACQUEREUR se refusait à réitérer la vente dans le délai ci-dessus fixé, le VENDEUR pourrait, après l’avoir mis en demeure de s’exécuter par lettre recommandée avec accusé de réception, faire constater la vente par voie judiciaire, invoquer, le cas échéant, le bénéfice de la clause pénale et obtenir d’éventuels dommages-intérêts. Il devra engager la procédure dans un délai d’un mois à compter de la date prévue pour la réitération de l’acte, ou de la date prorogée ».
- Une autre stipulation précisant que « le vendeur pourra toujours renoncer à la réitération de la vente et se trouver ainsi entièrement libre de tout engagement vis-à-vis de l’acquéreur, mais seulement quinze jours après l’avoir mis en demeure de réitérer, par lettre recommandée avec accusé de réception. Il pourra alors de nouveau disposer librement des biens objet des présentes. L’acquéreur devra alors lui verser le montant de la clause pénale… ».
La vente n’ayant pas été réitérée en la forme authentique du fait de l’acquéreur, les vendeurs l’assignent en paiement de la clause pénale.
Leur demande est toutefois déclarée irrecevable par la Cour d’appel pour cause de forclusion. Pour ce faire, la Cour se fonde sur les stipulations de la promesse qui prévoient que le vendeur peut, si l’acquéreur refuse de réitérer la vente, faire constater judiciairement la vente et invoquer le bénéfice de la clause pénale dans le délai d’un mois à compter de la date prévue pour la réitération. Les juges du fond considèrent que les rédacteurs de la promesse ont entendu par cette clause viser toutes les actions en justice découlant de la défaillance de l’acquéreur, sans distinguer parmi ces actions celles qui visent à faire constater la vente de celles qui invoquent le bénéfice de la clause pénale.
Les vendeurs reprochent aux juges du fond d’avoir dénaturé les termes de la promesse. Ils se pourvoient donc en cassation, soulignant que le délai d’un mois fixé par les parties dans la promesse pour agir en justice ne s’applique qu’à la seule action en réitération forcée de la vente, à l’exclusion de l’action en paiement de la clause pénale.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de « l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ».
Elle considère en effet que la Cour d’appel a « dénaturé par omission les termes clairs et précis » de la promesse en déclarant l’action des vendeurs forclose sur le fondement de la clause qui encadrait l’action en constatation judiciaire de la vente dans le délai d’un mois, alors même que « l’acte stipule également que le vendeur pourra toujours renoncer à la réalisation de la vente, se trouver ainsi entièrement libre de tout engagement vis-à-vis de l’acquéreur après l’envoi d’une mise en demeure de réitérer, ce dernier devant alors lui verser le montant de la clause pénale » et ce « sans qu’aucun délai pour agir ne soit alors visé par la promesse ».
Deux remarques nous semblent pouvoir être formulées s’agissant de cette décision.
D’une part, elle rappelle les effets attachés à l’absence de réitération d’une promesse synallagmatique de vente. Si l’acquéreur ne réitère pas la vente, le vendeur pourra agir en vue de faire constater la vente par voie judiciaire et en paiement de la clause pénale si celle-ci est stipulée en cas de retard dans l’exécution des obligations, ou bien préférer reprendre sa liberté et vendre le bien à un tiers tout en agissant en paiement de la clause pénale prévue en cas d’inexécution de son cocontractant qui n’était pas venu réitérer la vente. La promesse peut encadrer dans le temps ces actions, qui devront alors être diligentées en toute logique dans le délai prévu pour aboutir.
D’autre part, l’arrêt commenté rappelle que le juge ne peut dénaturer la volonté des parties lorsqu’elle résulte d’une clause claire et précise. Il ne peut donc omettre certaines clauses lorsqu’il statue. C’est ce que la Cour de cassation reproche en l’espèce aux juges du fond, qui ont omis dans le cadre de leur raisonnement, les stipulations de la promesse relatives à la possibilité pour le vendeur de renoncer à la réalisation forcée de la vente moyennant le versement d’une clause pénale qui n’encadraient pas, à la différence de la clause relative à l’exécution forcée de la vente, l’exercice de cette faculté dans un délai. Le vendeur était ainsi recevable à agir aux fins de percevoir le montant de la clause pénale sur ce fondement.