Cheuvreux Paris

Covid-19 : règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats publics pendant la crise sanitaire

31 Mar 2020 Veille juridique

Ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.

L’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 prise sur le fondement de l’article 1° du I de l’article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 vient conforter juridiquement les annonces faites, dès le début du confinement, par le gouvernement et les services de l’Etat en mettant en place un dispositif exceptionnel d’adaptation des règles de passation et d’exécution des contrats publics afin de ne pas pénaliser les titulaires desdits contrats qui subissent de plein fouet les conséquences notamment financières de la crise sanitaire, tout en veillant néanmoins à garantir la continuité des services publics essentiels à la nation.

L’article 1 de l’ordonnance fixe le cadre général d’application des mesures contenues dans l’ordonnance de la manière suivante :

Sur le champ d’application matériel, sont concernés de manière évidente les contrats soumis au code de la commande publique (tels que les marchés publics et les marchés de partenariat) ainsi que toutes les concessions (y compris celles qui sont exclues du champ d’application des directives européennes). En outre, le texte précise qu’est également concernée une catégorie non définie de contrats publics qui ne relèvent pas du code de la commande publique. Semblent pouvoir être inclus dans cette catégorie, les marchés publics globaux prévus par des textes spécifiques et qui répondent à des besoins temporaires (par exemple, les marchés globaux répondant aux besoins de réalisation des ouvrages des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024).

Se pose également la question de savoir si le terme « contrat public » – dont la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’économie, des finances, de l’action et des comptes publics dans sa fiche technique mise à jour le 26 mars 2020 (source : economie.gouv.fr) précise qu’il ne « se limite pas aux contrats administratifs » – peut être entendu de manière large, de telle sorte que seraient concernés les conventions d’occupation domaniale, voire des baux conclus sur le domaine privé des personnes publiques. L’intérêt de ce rattachement nous semble toutefois limité en l’espèce, les dispositions de la présente ordonnance ne trouvant que très marginalement à s’appliquer à ce type de contrats.

Il est par ailleurs à noter que l’ordonnance ne fait aucune distinction entre les différents types d’acheteurs de telle sorte que les dispositions qu’elle contient peuvent trouver à s’appliquer tant aux personnes morales de droit public qu’aux personnes morales de droit privé qui répondent à la définition du pouvoir adjudicateur ou d’entité adjudicatrice au sens des dispositions des articles L.1211-1 et L.1212-1 du code de la commande publique (par exemple, les SEM ou les SPL, les associations parapubliques…).

Sur le champ d’application temporel, l’article 1 dispose clairement que les dispositions de l’ordonnance s’appliqueront aux seuls contrats publics en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’une durée de deux mois, à savoir prévisionnellement jusqu’au 24 juillet 2020 (étant ici précisé que la loi d’urgence du 23 mars 2020 a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois, cette durée pouvant faire l’objet d’une prorogation).
Nous attirons particulièrement votre attention sur le fait que le champ d’application de l’ordonnance doit être considéré comme strictement limité dans la mesure où les dispositions de ladite ordonnance sont applicables aux contrats publics « sauf mention contraire » et « ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l’exécution de ces contrats, de la prorogation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette prorogation ».

Cette formulation pour le moins vague nous semble devoir inciter les entreprises titulaires et les acheteurs publics à la plus grande prudence dans le recours aux mesures prévues, le Rapport au Président de l’ordonnance soulignant à cet égard que  « l’application de ces dispositions requiert une analyse au cas par cas de la situation dans laquelle se trouvent les cocontractants qui devront justifier de la nécessité d’y recourir ».
En effet, comme le rappelle la DAJ dans sa fiche technique précitée, « l’ordonnance ne pose pas de présomption de force majeure, laquelle ne peut être qualifiée qu’au cas par cas. Il appartient aux autorités contractantes et aux opérateurs économiques de démontrer que les difficultés qu’ils rencontrent du fait de l’épidémie ne permettent pas de poursuivre les procédures ou l’exécution des contrats  dans des conditions    normales ».

En conséquence, l’ensemble des développements qui suivent concernant les dispositions de l’ordonnance applicables en matière de passation et d’exécution des contrats publics doivent être analysés à la lumière du critère de nécessité posé par l’article 1.

 

S’agissant des mesures prises en matière de passation des contrats

L’article 2 offre la possibilité à l’autorité contractante de prolonger, pour une durée qu’elle estime suffisante, au regard notamment de la complexité des dossiers à constituer, les délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours concernant la passation de contrats soumis à la commande publique afin de laisser le temps aux opérateurs économiques de s’organiser pour pouvoir candidater ou soumissionner. Cette possibilité de prorogation ne trouve cependant pas à s’appliquer aux prestations objets du contrat pour lesquels aucun retard ne parait envisageable.

En outre, et afin de permettre la poursuite des consultations des entreprises en cours, l’article 3 permet à l’autorité contractante d’aménager les modalités de mise en concurrence prévues dans les documents de consultation, sous réserve toutefois du respect du principe d’égalité de traitement des candidats. On peut à cet égard penser aux remises de maquettes ou de documents par voie postale ou encore, comme le cite la DAJ dans la fiche technique précitée, le remplacement des réunions de négociation en présentiel par des réunions en visio-conférence.

On peut donc en conclure que la mise en concurrence demeure la règle, tant qu’elle peut être organisée dans les meilleures conditions possibles et dans des délais compatibles avec les besoins des acheteurs publics.

 

S’agissant de la prolongation des contrats en cours

Afin de pallier les difficultés susceptibles d’être rencontrées par les opérateurs économiques dans l’exécution des contrats publics et éviter les ruptures d’approvisionnement pour les acheteurs, l’article 4 autorise la signature d’un avenant ayant pour objet de prolonger les contrats arrivés à échéance entre le 12 mars 2020 et la fin de la durée de l’état d’urgence sanitaire augmentée de deux mois, au-delà de leur durée prévue initialement, lorsqu’aucune procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre au cours de cette période.

La DAJ de Bercy, dans sa fiche technique précitée, préconise de signer un premier avenant pour la période initiale de l’état d’urgence sanitaire et un nouvel avenant si elle venait à être prolongée.

Concernant spécifiquement les accords-cadres, la prolongation peut être étendue au-delà de la durée maximale fixée par le code de la commande publique ( 4 ans pour les pouvoirs adjudicateurs, 8 ans pour les entités adjudicatrices et 7 ans pour les marchés de défense et de sécurité) sans que cette prolongation soit contraire aux directives européennes, lesquelles permettent d’aller au-delà des durées maximales « dans des cas exceptionnels dûment justifiés » (directives 2014/24 et 2014/25) ou « dans des circonstances exceptionnelles » (directive 2009/81).

Il est toutefois important de noter que dans tous les cas, la durée de la prolongation fixée par l’autorité contractante ne peut pas excéder le terme de la période fixée à l’article 1 précité, soit prévisionnellement le 24 juillet 2020, augmenté « de la durée nécessaire à la remise en concurrence à l’issue de son expiration ».

 

S’agissant des conditions de versement des avances

Afin d’offrir aux entreprises titulaires une trésorerie suffisante dans un contexte économique difficile, l’article 5 assouplit les règles d’exécution financière des contrats de la commande publique en permettant aux acheteurs, par avenant, de déroger aux règles de la commande publique en matière d’avance ; le montant de l’avance déplafonné pouvant dès lors être supérieur au taux de 60% du montant du marché ou du bon de commande et, pouvant atteindre, en théorie 100% dudit montant. Pour permettre une application effective de cette mesure, l’autorité contractante n’est pas tenue d’exiger la constitution d’une garantie à première demande en contrepartie du versement desdites avances d’un montant supérieur à 30% du montant du marché, comme le prévoit en principe l’article R.2191-8 du code de la commande publique.

 

S’agissant des modalités d’exécution des contrats

Les dispositions contenues dans l’article 6 permettent d’assouplir les conditions d’exécution des contrats, pour lesquels des difficultés seraient rencontrées par les opérateurs économiques. Elles trouveront à s’appliquer aux contrats « nonobstant toute stipulation contraire » et « à l’exception des stipulations qui se trouveraient être plus favorables au titulaire du contrat ». Il faut donc être particulièrement vigilant quant aux clauses contenues dans lesdits contrats ; les dispositions de l’ordonnance dont la liste suit n’y faisant pas totalement échec.

Sont notamment autorisées, sous la réserve précitée, les adaptations suivantes des règles d’exécution des marchés publics :

  • La prolongation du délai d’exécution d’une ou plusieurs obligations du contrat ne pouvant pas être respectée ou dont le respect nécessiterait la mise en œuvre de moyens dont la mobilisation ferait peser sur le titulaire une charge manifestement excessive, pour une durée au moins équivalente à celle prévue par l’article 1 précité. Toutefois, compte tenu de la règle énoncée à l’article 1er, rien ne s’oppose pas à ce que les parties s’accordent sur un délai inférieur si celui énoncé par l’ordonnance n’est pas nécessaire. Cette prolongation doit en revanche être demandée par le titulaire du contrat avant l’expiration du délai contractuel.
  • La neutralisation des sanctions, des pénalités contractuelles et de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du titulaire du contrat qui s’est trouvé dans l’impossibilité d’exécuter tout ou partie des prestations prévues dans un contrat ou un bon de commande, notamment lorsqu’il est en mesure de démontrer qu’il ne disposait pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation faisait peser sur lui une charge manifestement excessive.
  • Pour pallier la défaillance du titulaire du contrat, la possibilité pour l’acheteur de conclure un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire les besoins qui ne peuvent pas souffrir de retard, nonobstant toute clause d’exclusivité et sans que sa responsabilité contractuelle puisse être recherchée par le titulaire du contrat initial. Etant ici précisé que dans une telle hypothèse, l’exécution du marché de substitution ne sera pas effectuée aux frais et risques du titulaire défaillant. La fiche technique de la DAJ précitée précise, à cet égard, qu’en raison de l’urgence impérieuse, le marché de substitution peut être conclu sans publicité ni mise en concurrence préalable en application des articles R. 2122-1 et R. 2322-4 du code de la commande publique.
  • L’indemnisation du titulaire du contrat par l’acheteur des dépenses engagées lorsqu’elles sont directement imputables à l’exécution d’un bon de commande annulé ou d’un marché résilié, sous réserve toutefois que l’annulation ou la résiliation par l’acheteur soit la conséquence des mesures prises par les autorités administratives compétentes dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Comme le souligne la DAJ dans la fiche technique précitée « si le contrat ne s’y oppose pas, cette disposition de l’ordonnance ne fait pas obstacle à une indemnisation complémentaire du titulaire au titre de son manque à gagner du fait de l’inexécution des prestations en application de la jurisprudence administrative en cas de résiliation pour motif d’intérêt général. Toutefois, si les circonstances qui ont conduit à la résiliation ou à l’annulation des prestations constituent un cas de force majeure, seules les dépenses réelles et utiles pour l’exécution des prestations pourront faire l’objet d’une indemnisation ». En revanche, le texte ne fixe pas le sort des avances déjà versées par l’acheteur dans cette hypothèse (seront-elles remboursées par le titulaire ou lui resteront-elles acquises ?)
  • Le règlement sans délai des marchés à prix forfaitaire en cours d’exécution pour lesquels l’acheteur a pris des mesures de suspension, selon les modalités et montants prévus par le contrat. Un avenant devra dès lors être signé à l’issue de la période de suspension afin de déterminer les modifications nécessaires du contrat, la possibilité de reprise à l’identique ou sa résiliation ainsi que les sommes dues au titulaire ou, le cas échéant, les sommes dues par ce dernier à l’acheteur.

 

Des dérogations spécifiques aux règles d’exécution des concessions sont également prévues par le même article de l’ordonnance s’agissant de :

  • La suspension de toute somme à l’autorité concédante (telles que les loyers, les redevances d’occupation domaniale, les redevances destinées à contribuer à l’amortissement des investissements qu’elle a réalisés, les redevances de contrôle et de sécurité) et la possibilité pour ce dernier de verser une avance sur toute somme dont le versement est dû au concessionnaire (notamment les subventions) dans l’hypothèse où le concédant doit suspendre l’exécution de la concession. Il est toutefois précisé que ces dispositions ont un champ d’application limité à la justification « de la situation de l’opérateur économique (…) et à hauteur de ses besoins ».
  • Le versement d’une indemnité au concessionnaire lorsque le concédant doit, sans avoir à suspendre la concession, en modifier significativement les modalités d’exécution, afin de compenser le surcoût qui résulte de l’exécution, même partielle, du service ou des travaux. Il s’agit ici de mettre en œuvre le droit à indemnisation du cocontractant rappelé au 4° de l’article L.6 du code de la commande publique lorsque la modification du contrat de concession est rendue nécessaire par des circonstances qu’une autorité concédante diligente ne pouvait pas prévoir (art. R. 3135-5 du même code).Le versement de cette indemnité est toutefois conditionné à la démonstration que la poursuite de l’exécution du contrat « impose la mise en œuvre de moyens supplémentaires qui n’étaient pas prévus par le contrat initial et qui représentent une charge manifestement excessive au regard de sa situation financière ».

    Il nous semble que la situation économique particulièrement difficile que connaissent les entreprises dans la période actuelle de crise sanitaire devrait conduire à une interprétation souple de cette dernière restriction afin de ne pas pénaliser les concessionnaires qui n’auraient non pas à mettre en œuvre des moyens supplémentaires mais à les adapter pour permettre d’assurer un service minimum.

Pour conclure, comme le rappelle clairement la DAJ dans sa fiche technique précitée, la philosophie générale qui doit présider à l’application de cette ordonnance implique de considérer que « ces mesures, qui constituent un socle minimal applicable nonobstant toute clause contractuelle moins favorable au titulaire, n’ont pas vocation à couvrir l’ensemble des situations susceptibles d’être rencontrées par les parties pendant la crise sanitaire liée au covid-19. En dehors des hypothèses mentionnées par l’ordonnance, les stipulations contractuelles s’appliquent et, dans le silence du contrat, les conditions d’indemnisation des parties sont celles issues de la jurisprudence ».

 

***

Nous ne manquerons pas de revenir vers vous dans les prochains jours pour vous apporter tout élément de précision complémentaire sur l’ensemble des mesures comprises dans les ordonnances publiées le 25 mars 2020 intéressant les activités immobilières qui font actuellement l’objet d’une d’analyse approfondie par nos équipes.

 

Portez vous tous bien,

Les équipes de CHEUVREUX




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