Cheuvreux Paris

Covid-19 : la délivrance des autorisations d’urbanisme à l’épreuve de la crise sanitaire

10 Avr 2020 Veille juridique

Réflexions sur l’impact des dispositions de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période sur la procédure de délivrance des autorisations d’urbanisme

Pour une présentation plus générale de l’application des dispositions de l’ordonnance en matière d’urbanisme, se reporter à notre Newsletter (ici).

On le comprend bien, l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 préparée dans des conditions d’extrême urgence et ayant une portée très générale ne peut satisfaire toutes les exigences attendues par les professionnels intervenant dans un domaine plus limité, qu’est celui du droit de l’urbanisme. Cela milite à notre sens en faveur d’une adaptation intelligente des dispositions de l’ordonnance au contexte et à la matière concernée, en cela plus conforme à l’esprit qu’à la lettre même du texte. C’est cette position que nous soutiendrons dans les développements suivants qui sont consacrés au cas particulier de l’instruction et de la délivrance des autorisations d’urbanisme.

L’article 7 de l’ordonnance n°2020-306 dispose que les décisions, accords ou avis requis par les autorités administratives de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics dont le terme arrive à échéance à compter du 12 mars sont suspendus jusqu’à l’expiration de la période juridiquement protégée qui, pour rappel court entre le 12 mars et le 25 juin 2020 (période de l’état d’urgence sanitaire auquel il faut ajouter un mois). Ceux-ci reprendront donc à l’issue de cette période pour la durée restant initialement à courir. Sont également concernés les délais impartis aux mêmes personnes publiques dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi que les délais prévus pour la consultation ou la participation du public. Enfin, le point de départ des délais qui auraient dû commencer à courir pendant la période juridiquement protégée est quant à lui reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.
Le ministère de la cohésion des territoires précise, à cet égard, dans une communication publiée sur son site Internet que « à titre d’illustration, les demandes formulées en matière de droit des sols (déclaration de travaux, permis de construire, permis d’aménager, etc…) sont visées (…)».

En outre, il résulte de la consultation d’un document du même ministère, publié sur son site Internet, en date du 21 mars 2020 relatif à la continuité des services publics locaux pendant la crise sanitaire la recommandation suivante aux collectivités et administrations compétentes en matière de droit de sols : « les services d’urbanisme pourront voir leur activité réduite dès lors que le projet de loi d’urgence prévoit une suspension du délai légal de traitement des autorisations d’urbanisme. Ainsi, l’inactivité d’un service ne génèrera pas, au cours de cette période, une décision implicite de la commune ».

S’il est certain que l’ordonnance 2020-306 relative à la prolongation des délais a bien eu pour objet de protéger les collectivités territoriales et les administrations publiques, dont l’activité est indéniablement réduite pendant la période de confinement, des conséquences préjudiciables de l’arrivée à échéance de certains délais pendant la période de crise sanitaire (accords implicites sur la complétude des dossiers et même permis obtenus tacitement) rien ne permet toutefois de tirer des dispositions de cette même ordonnance une interdiction générale faite aux personnes publiques d’exercer leurs missions de service public pendant cette même période.
En effet, la validation législative des formalités accomplies hors délais organisée par les dispositions de l’ordonnance ne nous semble pas de nature à faire obstacle à l’exercice de la compétence en matière de droit des sols pendant la période juridiquement protégée.

Deux situations doivent alors être distinguées, en fonction du choix des autorités administratives et de leur capacité à instruire et délivrer des autorisations d’urbanisme pendant la période de crise sanitaire.

 

1 – La situation dans laquelle l’autorité compétente en matière de délivrance d’autorisations d’urbanisme – le maire par principe et le préfet par exception – ne souhaite pas ou ne dispose pas des moyens humains et techniques pour se prononcer sur les dossiers reçus par les services instructeurs avant ou pendant la période juridiquement protégée.

Dans une telle hypothèse, les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance joueront pleinement en offrant une période de « rattrapage » à l’autorité compétente pour accomplir la formalité requise, à compter du 25 juin 2020. A cette date, l’autorité compétente disposera encore d’un délai égal à celui restant à courir avant la suspension intervenue le 12 mars pour se prononcer valablement sur les demandes d’autorisations d’urbanisme, soit au plus tard jusqu’au 25 août 2020.

Cette solution, qui pourrait apparaitre de prime abord comme juridiquement la plus sûre et la plus protectrice des administrations et collectivités exerçant une mission de service public, se trouve immédiatement confrontée aux répercussions désastreuses qu’aura immanquablement cette longue période de gel dans l’instruction et la délivrance des autorisations d’urbanisme sur toute la chaine des acteurs immobiliers (conséquences sur l’économie du fait du report des investissements financiers et des cessions foncières entrainant une reprise plus tardive des activités immobilières et notamment de chantiers, sans oublier les conséquences sur les finances des collectivités locales).

 

2 – La seconde situation dans laquelle l’autorité compétente en matière de délivrance d’autorisations d’urbanisme décide de se prononcer sur les dossiers reçus par les services instructeurs avant ou pendant la période juridiquement protégée et dispose à cet effet de moyens techniques et humains suffisants.

A cet égard, nous souscrivons à la position soutenue par une partie des professions juridiques immobilières en appelant à l’esprit même du texte, conçu pour protéger des délais arrivant à échéance pendant une période de crise sanitaire ceux auxquels ils sont opposables ou qui en bénéficient et en aucun cas pour paralyser l’exercice des prérogatives des autorités administratives concernées.

L’autorité compétente pourrait alors valablement se prononcer sur les demandes d’autorisations d’urbanisme pendant la période juridiquement protégée, la date de dépôt des dossiers avant ou après le 12 mars 2020 étant indifférente à cet égard.
C’est en ce sens que le CRIDON de Paris se positionne, dans un flash n°2 en date du 31 mars 2020, en ces termes : « ces dispositions ne concernent toutefois que les délais. Elles n’interdisent pas à l’administration d’agir dans la période de protection. Quelle que soit la date de dépôt en mairie des demandes d’autorisation ou de DIA (avant ou pendant la période de référence) l’administration dispose toujours de la faculté de répondre dans les délais prévus par le code de l’urbanisme par une décision expresse. »

Outre la capacité des collectivités à mobiliser des moyens humains et techniques suffisants pour assurer l’instruction des dossiers à l’heure où les administrations sont invitées à fonctionner en service restreint, la décision que prendrait un maire de poursuivre la délivrance d’autorisations d’urbanisme pourrait se heurter à la limite même de sa compétence dans le contexte électoral actuel. Plus précisément, la capacité d’action du maire ne se trouverait-elle pas réduite à l’administration des affaires courantes, comme il est d’usage pendant les périodes de réserve électorale, particulièrement lorsque le maire n’est pas assuré de sa réélection ?

A notre sens, ni la loi d’urgence ni les ordonnances prises sur son fondement n’ont pour objectif de limiter le pouvoir des élus locaux à la seule administration des affaires courantes pendant la durée de la crise sanitaire. Au contraire, les dispositions de ces textes incitent les élus à poursuivre l’exécution de leurs missions dans le cadre de leurs mandats et fonctions prorogés jusqu’à la prise de fonction des nouveaux conseillers municipaux.

En effet, l’article 11 de la loi d’urgence sanitaire donne habilitation au gouvernement pour légiférer par voie d’ordonnance « 8° afin, face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, d’assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice de leurs compétences ainsi que la continuité budgétaire et financière des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ». Il ressort de l’exposé des motifs de cette loi que « le gouvernement souhaite ainsi élargir transitoirement les prérogatives et pouvoirs des exécutifs locaux et adapter en tant que besoin les modalités d’exercice des compétences locales, afin de raccourcir les délais de décision qui peuvent être liés à la collégialité habituelle de la vie démocratique et mieux adapter les réponses des services publics locaux aux besoins constatés dans cette période exceptionnelle. »
En outre, l’ordonnance n°2020-391 du 1er avril 2020 contient des dispositions complémentaires aux mesures législatives essentielles prévues dans la loi d’urgence visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de COVID-19.

L’encouragement à la poursuite de l’action publique pendant la période de crise sanitaire ne doit toutefois pas faire oublier que, dans l’exercice même d’une mission de service public, l’autorité compétente doit veiller au strict respect de l’égalité de traitement des administrés placés dans des situations comparables ; l’équilibre étant alors particulièrement difficile à trouver dans un contexte de crise marqué par une forte réduction des services administratifs considérés comme non essentiels et une dématérialisation encore loin d’être aboutie en matière de droit des sols.
Deux possibilités s’ouvrent alors aux collectivités et administrations qui souhaiteraient délivrer des autorisations d’urbanisme pendant la période juridiquement protégée : soit, instruire l’ensemble des dossiers de demande déposés auprès des services instructeurs dans les conditions habituelles, soit opérer une sélection entre ces dossiers en fonction de critères objectifs.
Force est de constater que la poursuite de l’instruction de certains dossiers s’imposera aux autorités compétentes du fait de leurs spécificités ou de leur degré d’urgence avérés (permis de construire pour la construction d’un hôpital public ou pour l’hébergement d’urgence ou encore permis de construire nécessaires à la réalisation d’une opération d’intérêt national).
Dans d’autres cas, au contraire, l’autorité compétente, confrontée au recueil d’avis ou d’autorisations connexes difficiles à obtenir pendant la période de crise (avis de l’architecte des bâtiments de France, agrément du préfet pour la création de bureaux en Ile-de-France ou encore autorisation d’exploitation commerciale) et/ou à la nécessité d’organiser une procédure de participation du public (projets soumis à concertation publique ou enquête publique), se verra dans l’obligation de reporter la délivrance des autorisations à la période d’après crise.

Cela conduit naturellement à s’interroger sur le véritable bénéfice que pourraient tirer les porteurs de projet immobiliers complexes de la poursuite, pendant la période juridiquement protégée, de la délivrance des autorisations d’urbanisme dont le nombre sera significativement restreint et qui subiront directement l’effet de l’allongement des délais de recours et de retrait. Sur ce dernier point, le difficile équilibre à trouver entre fonctionnement normal des institutions publiques et droit au recours conduit à une situation pour le moins inconfortable pour les acteurs économiques qui ne pourront être assurés du caractère définitif des autorisations d’urbanisme délivrées pendant la période juridiquement protégée qu’à l’issue d’un délai de 3 mois suivant la fin de cette période.
En effet, par renvoi exprès à l’application des dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306, l’article 15 de l’ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, autorise l’introduction de recours contentieux ainsi que du déféré préfectoral, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de la période juridiquement protégée, soit prévisionnellement jusqu’au 25 août 2020. Le retrait administratif de la décision en cause nous semble, en revanche, devoir être traité sur le fondement de l’article 7 de la même ordonnance, ce qui laisserait ainsi à l’autorité administrative, un délai de trois mois suivant la fin de la période juridiquement protégée pour obtenir son retrait dans les conditions de droit commun, soit prévisionnellement jusqu’au 25 septembre 2020.

En conclusion, nous souhaitons attirer votre attention sur le fait que la profession notariale, associée à plusieurs grands acteurs de l’immobilier, s’est très fortement mobilisée depuis la parution des ordonnances et s’est fait le relais auprès du gouvernement des demandes de modification des textes afin de limiter les effets désastreux qu’aurait une paralysie du marché immobilier pendant de longs mois. Ces demandes appuyées semblent avoir été entendues, si l’on en croit les propos tenus par le ministre chargé de la ville et du logement Julien Denormandie à l’occasion de la conférence organisée par l’Union des syndicats de l’immobilier (Unis), assurant aux professionnels de l’immobilier que le gouvernement travaille actuellement « pour corriger les problèmes rencontrés » dans l’application de l’ordonnance n°2020-306 en cause.

 

 

***

Nous ne manquerons pas de revenir vers vous dans les prochains jours pour vous apporter tout élément de précision complémentaire sur l’ensemble des mesures comprises dans les ordonnances publiées le 25 mars 2020 intéressant l’urbanisme et les activités immobilières qui font actuellement l’objet d’une d’analyse approfondie par nos équipes.

 

Portez-vous tous bien,

Les équipes de CHEUVREUX




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