Cheuvreux Paris

Covid-19 : droit de l’urbanisme et opérations immobilières : mesures de prorogation et/ou d’interruption de délais applicables

27 Mar 2020 Veille juridique

Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

Focus sur l’urbanisme

Afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative et juridictionnelle, de la propagation du covid-19 et des mesures pour lutter contre cette propagation, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 publiée au JORF du 26 mars 2020, prise sur le fondement de la loi d’urgence du 23 mars 2020, a pour principal objet « l’aménagement des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et l’adaptation des procédures durant cette même période ».

Dans cette optique, le titre 1er de l’ordonnance est consacré aux dispositions générales prises en matière de prorogation des délais.

Au moyen d’une formulation visant à couvrir un champ très large de situations individuelles ou de nature réglementaire pouvant donner lieu à des actes ou formalités durant la période d’état d’urgence sanitaire, l’article 2 dispose que « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »

Le Rapport au Président de la République de ladite ordonnance précise à cet égard que « l’ordonnance ne prévoit pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période visée ; elle permet simplement de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti ».

Pour compenser le caractère particulièrement général de l’application de cette mesure, plusieurs exceptions et limites temporelles sont fixées par l’ordonnance :

Sur le champ d’application matériel, on peut noter que sont exclus du périmètre toute une série de mesures mentionnées limitativement à l’article 1 concernant notamment les dispositions régissant le droit pénal et la procédure pénale, le droit de la fonction publique, le droit électoral ainsi que les délais ayant fait l’objet d’autres mesures particulières sur le fondement de la loi d’urgence.

Par ailleurs, le Rapport au Président de la République de ladite ordonnance indique que la notion d’actes « prescrits par la loi ou le règlement » exclut les actes prévus par des stipulations contractuelles. S’agissant donc des contrats, il est renvoyé aux dispositions de droit commun permettant l’adaptation des délais pour faire face à des situations exceptionnelles. Il est toutefois ici précisé que cette exclusion ne semble pas s’appliquer aux dispositions des articles 4 et 5 de l’ordonnance.

Sur le champ d’application temporel : l’article 1 dispose que les délais concernés par l’ordonnance sont ceux qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, et le cas échéant prorogé, soit prévisionnellement le 24 juin 2020 (pour rappel, comme nous vous l’indiquions dans une précédente newsletter, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré pour une période de 2 mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi d’urgence, soit prévisionnellement jusqu’au 24 mai 2020). Ainsi, n’entrent pas dans le champ d’application de cette mesure, les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 et les délais dont le terme est fixé au-delà du délai d’un mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

En outre, le texte précise que s’agissant des « mesures restrictives de liberté et aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garanti », qui ne seraient pas mentionnés dans les cas d’exclusion précités, la prorogation applicable ne peut pas être supérieure au 30 juin 2020.

En complément de ce Titre I, l’ordonnance consacre au Titre II une série de dispositions particulières aux délais et procédures en matière administrative afin de tenir compte de certaines spécificités de l’action administrative.

Il nous semble, en première lecture, que les situations intéressant le droit de l’urbanisme sont largement réglées par les dispositions prévues par le Titre II à l’exception notable de l’article 3 du Titre 1 de l’ordonnance 2020-306.

En effet, s’agissant de la durée de validité des autorisations d’urbanisme et autorisations administratives connexes, l’article 3 de l’ordonnance prévoit notamment la prorogation de plein droit des « 3° autorisations, permis et agréments » dont le terme arrivait à échéance durant la période fixée par l’article 1 précité de l’ordonnance.

Il en résulte que le délai de validité des autorisations de construire, des autorisations d’exploitation commerciale ou des agréments délivrés au titre de l’article L. 510-1 du code de l’urbanisme dont le délai de péremption devait intervenir entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 (sous réserve de l’allongement de l’état d’urgence sanitaire) sont prorogés de manière automatique d’une durée de deux mois suivant la fin de cette période, soit jusqu’au 24 août 2020 (sous la même réserve que précédemment).

Nous pouvons par ailleurs déduire du dernier alinéa de cet article, analysé à la lumière du Rapport au Président de la République de ladite ordonnance que cette prorogation de plein droit ne trouve pas à s’appliquer lorsque l’autorité administrative compétente a pu modifier le terme de l’autorisation, du permis ou de l’agrément entre temps (obtention d’un courrier prorogeant d’un an la durée de validité d’un permis de construire par exemple).

Bien que cette mesure soit de nature à sécuriser juridiquement la validité des autorisations administratives nécessaires à la réalisation de projets immobiliers, il apparait néanmoins que le délai de prorogation ainsi institué sera peut-être jugé insuffisant pour beaucoup d’acteurs du secteur de l’immobilier pour permettre la reprise des travaux ou l’ouverture de commerces ou de bureaux, compte tenu de l’arrêt total ou partiel des chantiers pendant la période.

A l’exception de cet article 3, il apparait que les dispositions du Titre II de l’ordonnance et notamment ses articles 7, 8, 10 et 12 trouveront largement à s’appliquer en matière d’urbanisme et plus largement aux opérations immobilières en cours ou à venir.

L’article 7 de l’ordonnance dispose à cet égard que « sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.
Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public. »

L’article 8 prévoit quant à lui que « lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci. »

Ainsi et comme nous l’envisagions dans la newsletter précédente consacrée à cette matière, l’ordonnance autorise une interruption des délais relatifs aux décisions, accords, avis, contrôles ou prescriptions émis par les autorités administratives compétentes de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit prévisionnellement jusqu’au 24 juin 2020 (sous réserve d’une éventuelle prorogation de l’état d’urgence).

  • Semblent ainsi pouvoir être directement concernés par cette mesure :Selon une communication provenant du site Internet du ministère de la cohésion des territoires en date du 25 mars 2020 « les demandes donnant lieu à une décision d’une autorité administrative, et notamment des décisions implicites d’acceptation ou de rejet ainsi que les délais fixés pour les acteurs pris dans le cadre de la procédure d’instruction de ces demandes. A titre d’illustration, les demandes formulées en matière de droit des sols (déclaration de travaux, permis de construire, permis d’aménager, etc…) sont visées, ainsi que les délais applicables aux déclarations présentées aux autorités administratives, par exemple une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) » (source : cohesion-territoires.gouv.fr).
    Nous pouvons dès lors en déduire que seront notamment suspendus les délais de purge relatifs aux droits de préemption urbain, en ZAD, ou concernant les espaces naturels sensibles ainsi que les délais applicables en matière de droit de priorité ou de droit de délaissement.
  • Le recueil des avis préalables nécessaires à la délivrance d’une autorisation d’urbanisme tels que l’avis de l’autorité environnementale au titre de la soumission obligatoire ou après examen au cas par cas à étude d’impact, l’avis de la CDAC dans le cadre d’une demande d’autorisation d’exploitation commerciale, l’avis des services de l’Etat sur les demandes de permis de construire ou encore l’avis de l’architecte des bâtiments de France pour les immeubles situés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable.Les décisions et avis requis dans le cadre de la mise en œuvre d’une procédure d’évolution ou de mise en compatibilité d’un ou plusieurs documents de planification territoriaux.

    Les délais de réalisation par toute personne de contrôles, de travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature imposées par la loi ou le règlement tels que les opérations de contrôle dans le cadre de la procédure de conformité administrative ou la réalisation par le pétitionnaire des prescriptions édictées au titre de leurs autorisations de construire après la période de confinement.

Il faut par ailleurs préciser qu’est reporté à l’achèvement de la période prévue à l’article 1 de l’ordonnance précité le point de départ des délais qui auraient dû commencer à courir pendant ladite période et les délais impartis aux mêmes autorités pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou solliciter les pièces dans le cadre de l’instruction d’une demande. En pratique, le point de départ des délais d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme ou d’autorisations administratives connexes (autorisations d’exploitation commerciale, autorisation au titre du code de l’environnement ou encore agrément de l’article L.510-1 du code de l’urbanisme) déposées au cours de la période comprise entre le 12 mars 2020 et prévisionnellement le 24 juin 2020 est reporté à l’achèvement de ladite période afin de tenir compte de la difficulté pour l’administration d’assurer la continuité du service public dans ces domaines.

Pour compléter cette série de mesures dérogatoires, l’article 7 prévoit spécifiquement l’interruption des délais de consultation et de participation du public, préalables à la prise d’une décision d’une autorité administrative. Si l’on s’en réfère à la communication précitée du ministère de la cohésion des territoires publiée le 25 mars 2020 sur son site Internet « ces dispositions permettront de suspendre des consultations ou des enquêtes publiques en cours, ou de permettre la consultation d’instances qui n’auront pu se réunir ».

Nous attirons toutefois votre attention sur le fait que l’article 12 de la même ordonnance prévoit une exception concernant les procédures d’enquête publique pouvant être exceptionnellement maintenues sous une forme aménagée « lorsque le retard résultant de l’interruption de l’enquête publique ou de l’impossibilité de l’accomplir en raison de l’état d’urgence sanitaire est susceptible d’entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent ». Semblent pouvoir être incluses dans cette catégorie les enquêtes publiques devant être réalisées dans le cadre de la mise en œuvre d’opérations d’intérêt national dans la mesure où elles présentent un caractère urgent (tel peut être le cas de la réalisation d’un hôpital par exemple), celles relatives aux opérations d’aménagement et projets immobiliers réalisés dans le cadre de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 ou encore celles relatives aux opérations conduites par la société du Grand Paris dans le cadre de la loi relative au Grand Paris de 2010.

Il est important de noter qu’un décret pourra toutefois déterminer la catégorie des actes, procédures et obligations pour lesquels « pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse », le cours des délais reprend, ou fixer une date de reprise du délai à condition d’en informer les personnes concernées. A titre d’illustration, on pourrait imaginer que pourraient être concernés par ce décret les délais imposés par l’autorité administrative pour se conformer à des prescriptions édictées dans le cadre de l’exploitation ou de la cessation d’activités soumises à autorisation au titre des installations classées pour la protection de l’environnement, dès lors que l’interruption du délai peut avoir des conséquences dommageables sur l’environnement, sur la santé et la sécurité des biens et des personnes. Il pourrait en être de même s’agissant des mesures édictées par les autorités administratives dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne (insalubrité de certains logements ou arrêté de péril).

Pour achever le tableau déjà très complet des mesures dérogatoires qui trouveront sans nul doute à s’appliquer en matière d’urbanisme, nous vous conseillons de vous reporter aux dispositions de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, laquelle encadre notamment la prorogation des délais de procédures et de jugement en matière de contentieux d’urbanisme en renvoyant expressément aux dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 ci-avant commentée.

***
 
Nous ne manquerons pas de revenir vers vous dans les prochains jours pour vous apporter tout élément de précision complémentaire sur l’ensemble des mesures comprises dans les ordonnances publiées le 25 mars 2020 intéressant les activités immobilières qui font actuellement l’objet d’une d’analyse approfondie par nos équipes.

Portez vous tous bien,

Les équipes de CHEUVREUX




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