Cheuvreux Paris

Bail conclu par une société « en cours de formation » : cette rédaction imparfaite n’est plus exclusive de la validité du bail conclu

27 Fév 2024 Newsletter

Par trois arrêts rendus le 29 novembre 2023, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence sur les exigences formelles de la reprise des actes déclarés accomplis pour le compte d’une société en cours de formation.

Dans l’arrêt relatif au pourvoi 22-18.295 soumis à la Cour de cassation, un bail commercial avait été conclu avec une SAS « en cours de formation » (sic), laquelle a été immatriculée postérieurement. La liquidation judiciaire de ladite SAS a été prononcée par la suite et dans ce cadre le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la SAS incluant le droit au bail considéré. Le bailleur demandait alors l’annulation du bail au motif que ce dernier aurait été entaché de nullité.

Dans un arrêt rendu le 18 novembre 2021, la Cour d’appel de Paris rejetait la demande en annulation du bail en retenant qu’il était stipulé que la SAS était en formation et que, par une décision expresse des associés, c’est-à-dire par la signature des statuts, ceux-ci ont entendu reprendre les actes ainsi conclus et en particulier le bail commercial, ajoutant que cette reprise des actes indiqués dans les statuts est automatique, à condition que les statuts soient signés et la société immatriculée, ce qui avait été le cas s’agissant de la SAS considérée.

Le bailleur formait alors un pourvoi en invoquant la rédaction défectueuse du contrat, au motif que le bail a été conclu par la société et non par une personne déclarant agir « au nom » ou « pour le compte » de la SAS en formation.

Rappelons que les sociétés, autres que celles en participation, acquièrent la personnalité juridique et donc la capacité de contracter lors de leur immatriculation (art. 1842 al. 1 C. civ. et L. 210-6 al. 1 C. com.). Mais il est fréquemment nécessaire de conclure des actes avant cette immatriculation. Le législateur a donc créé des procédures qui permettent à une société de reprendre, une fois immatriculée, les actes conclus pendant la période de sa formation ; ces actes sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société (art. 1843 C. civ. et L. 210-6 al. 2 C. com.).

Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d’une société en cours de formation avant qu’elle ait acquise la personnalité morale sont tenus solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits.

La jurisprudence de la Cour de cassation était jusqu’alors rigoureuse ; un acte ne pouvait pas faire l’objet d’une reprise lorsqu’il était stipulé qu’il était conclu « par » la société en cours de formation (vocabulaire par nature inapproprié, la société ne pouvant pas conclure de contrat à cette époque). Pour que l’acte soit valable et puisse faire l’objet d’une reprise par la société immatriculée, il devait être conclu par une personne agissant « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation.

Ce principe était appliqué de manière stricte ; la mention de la seule société accompagnée de la précision selon laquelle elle était « en cours d’enregistrement » (Cass. com. 13 novembre 2013, n° 12-26.158) ou « en cours d’immatriculation » (Cass. 3ème civ. 22 mars 1995, n° 93-11.981) n’était pas jugé suffisante pour établir que l’acte avait été passé au nom ou pour le compte de la société en formation. Le bailleur s’appuyait sur cette jurisprudence constante pour faire constater la nullité du bail commercial souscrit avec la société en cours de formation.

En cassant l’arrêt rendu par la Cour d’appel en reprochant à cette dernière d’avoir statué sans rechercher si la commune intention des parties avait été que l’acte soit passé au nom ou pour le compte de la société en formation, la Cour de cassation revient sur sa jurisprudence dans le but de sécuriser un maximum de contrats conclus avec une rédaction peu rigoureuse de la comparution.

Au visa des articles L. 210-6 et R. 210-6 du Code de commerce, la Cour de cassation, après avoir rappelé le régime des actes passés par la société en cours de formation résultant des articles susvisés, évoque sa jurisprudence selon laquelle pour être valablement repris, l’acte souscrit devait l’être « au nom » ou « pour le compte » d’une société en formation et non pas être conclu « par » une société en cours de formation.

Elle explique ensuite que ce raisonnement visait « à assurer la sécurité juridique, dès lors que la présence d’une mention expresse selon laquelle l’acte est accompli « au nom » ou « pour le compte » d’une société en formation protège, d’un côté, le tiers cocontractant, en appelant son attention sur la possibilité, à l’avenir, d’une substitution de plein droit et rétroactive de débiteur, et, de l’autre, la personne qui accomplit l’acte « au nom » ou « pour le compte » de la société, en lui faisant prendre conscience qu’elle s’engage personnellement et restera tenue si la société ne reprend pas les engagements ainsi souscrits. »

Enfin, la Cour de cassation précise que « L’exigence selon laquelle l’acte doit, expressément et à peine de nullité, mentionner qu’il est passé « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation ne résultant pas explicitement des textes régissant le sort des actes passés au cours de la période de formation, il apparaît possible et souhaitable de reconnaître désormais au juge le pouvoir d’apprécier souverainement, par un examen de l’ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l’acte qu’extrinsèques, si la commune intention des parties n’était pas que l’acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits. »

Désormais, en cas de rédaction imparfaite les juges du fond devront donc déterminer, au cas par cas, et au regard des circonstances tant intrinsèques à l’acte qu’extrinsèques, si l’intention des parties était de conclure l’acte au nom ou pour le compte de la société en formation, alors même que cette mention ne figurerait pas expressément.

Cet assouplissement du formalisme vise à éviter, d’une part, de fragiliser les sociétés dans leur phase de démarrage et, d’autre part, aussi à limiter les cas d’irrespect des engagements et enfin la situation du bailleur qui n’a plus en face de lui le débiteur attendu.

Toutefois, la procédure de reprise des actes par la société une fois immatriculée, demeure la même (acte annexé aux statuts, mandat ou décision collective expresse après immatriculation) et ne semble a priori pas affectée par cette décision.

Certes, cette décision vise à atténuer les conséquences d’une imperfection de rédaction dans la comparution des actes conclus au cours de la période de formation d’une société ; la meilleure façon d’éviter ce type de contentieux (et qu’il soit alors nécessaire de procéder à la recherche à laquelle invite la Cour de Cassation) est d’adopter une rédaction rigoureuse (acte conclu par une personne qui est, par nature, autre que la société en cours de formation et qui agit expressément pour le compte de cette dernière dans l’attente de l’acquisition de sa personnalité juridique).

 

Cass. com. 29 novembre 2023, n° 22-12.865

Cass. com. 29 novembre 2023, n° 22-18.295

Cass. com. 29 novembre 2023, n° 22-21.623




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