Définie comme « l’art d’acheminer dans les meilleures conditions les flux de marchandises qui entrent, sortent et circulent dans la ville »*, la logistique urbaine se trouve de toute évidence directement confrontée à des enjeux environnementaux considérables notamment en matière d’émissions de gaz à effet de serre, de congestion, d’artificialisation, etc. La transition vers une logistique urbaine durable constitue aujourd’hui un défi majeur pour concevoir la ville de demain.
Pour accompagner au mieux les territoires vers cette transition, la mission d’information constituée au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat formule à cet effet 14 propositions au sein de son rapport intitulé « Logistique urbaine durable » déposé le 24 mai dernier.
Fort de 86 pages, ce rapport recense trois principaux obstacles nuisant à l’intégration de la logistique dans son environnement urbain : une insuffisante connaissance des flux de marchandises dans nos agglomérations, un manque de dialogue entre les acteurs et une faible intégration des besoins liés à la logistique urbaine dans les documents de planification locaux.
Afin de lever ces obstacles, le rapport s’efforce de proposer 14 recommandations afin de réussir la transition du modèle autour de 4 grands axes :
- Assurer une meilleure intégration de la logistique dans l’espace urbain,
- Optimiser les règles de circulation et de stationnement au service d’un meilleur partage de la voirie,
- Accompagner le développement d’une flotte plus propre et soutenir le report vers des modes décarbonés,
- Rendre les livraisons du commerce en ligne plus responsables écologiquement.
Parmi les diverses propositions du rapport, nous pouvons noter le renforcement de l’information des agglomérations sur les flux de marchandises traversant leurs territoires à travers deux leviers : la réalisation d’enquêtes sur le transport de marchandises dans les villes de plus de 150 000 habitants et la possibilité pour l’autorité administrative compétente de l’État de se voir transmettre des informations sous réserve du respect du secret des affaires.
Notons également la volonté d’intégrer davantage la logistique urbaine dans les documents de planification des collectivités territoriales notamment au sein du schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation ainsi que la proposition de rendre obligatoire l’élaboration d’un schéma de desserte fluviale ou ferroviaire pour les agglomérations desservies par une voie d’eau.
S’agissant spécifiquement du stationnement et des livraisons, il est proposé d’expérimenter la livraison en horaires décalés, d’accélérer le développement de la LAPI (Lecture Automatique de plaques d’immatriculation) pour permettre l’effectivité du contrôle des règles de circulation en ZFE-m (Zone à faibles émissions mobilité) et de faciliter le stationnement des véhicules de livraison en ville grâce à la création d’aires de livraison en nombre suffisant.
Selon le rapport, la massification des livraisons aux particuliers doit également être encouragée par l’instauration d’un label destiné à valoriser les entreprises engagées dans une logistique durable, prenant en compte l’engagement de l’entreprise dans une démarche de mutualisation des flux de livraison du dernier kilomètre.
Parallèlement à cette dynamique nationale, les grandes agglomérations s’organisent pour mettre en place, à leur échelle, une stratégie efficace en matière notamment d’organisation des livraisons sur leur territoire.
Le 16 juin dernier, la ville de Paris a ainsi dévoilé sa stratégie logistique pour la période 2022-2026 afin de faire face aux enjeux considérables que représentent la livraison chaque jour sur le territoire parisien de près de 500 000 colis et les 4,4 millions de mouvements de livraisons et d’enlèvement opérés chaque semaine en Ile-de-France.
Cette stratégie, adoptée dans l’objectif de fluidifier et sécuriser les flux logistiques sur l’espace public de manière à assurer la meilleure cohabitation possible de tous les usagers s’articule autour des 6 grands axes suivants :
– le foncier et l’immobilier logistique,
– la réorganisation du partage de l’espace public,
– les conditions de travail des livreurs,
– les nouveaux modèles à inventer pour favoriser l’offre de proximité,
– le transport des matériaux et déchets de chantiers,
– la transition écologique du transport des marchandises.
Pour chacun de ces axes, des actions clés sont définies comme le développement des sites multimodaux, la mise en place de livraisons silencieuses en horaires décalés, la création d’une charte sociale et environnementale, le développement de véhicules électriques, la création de 1000 zones de livraisons supplémentaires et un contrôle accru pour assurer un meilleur respect.
* Danièle Patier, la Logistique dans la ville, Celse, Paris 2002, cité par le CEREMA dans « Logistique urbaine et planification des déplacements : quel bilan après 20 ans d’intégration ? Comment concilier ambition stratégique et mise en œuvre opérationnelle ? »