La Loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a fixé un principe général d’interdiction de toute implantation ou extension d’équipement commercial soumis à autorisation d’exploitation commerciale (AEC) engendrant une artificialisation des sols au sens de la définition de l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme (cf. art. 215 et 216 de la loi). Ce principe d’interdiction générale a néanmoins été assorti de dérogations au cas par cas, figurant au V de l’article L. 752-6 du Code de commerce et concernant les projets dont la surface de vente est comprise entre 1 000 et 10 000 m², qui remplissent des conditions strictes.
En effet, le porteur du projet, outre la note de présentation des effets de son projet en matière d’artificialisation des sols jointe obligatoirement au dossier de demande d’AEC, devra, pour pouvoir bénéficier d’une dérogation, démontrer que celui-ci s’insère « en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat et « qu’il répond aux besoins du territoire ». À ces deux critères cumulatifs, s’ajoute un critère alternatif pouvant correspondre :
- soit à l’insertion de ce projet dans le secteur d’une opération de revitalisation du territoire ou d’un quartier prioritaire de la politique de la ville ;
- soit à l’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé, afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné ;
- soit à la compensation de la consommation foncière du projet par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé ;
- soit à l’insertion du projet au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs du SCoT ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée par le PLU/PLUi antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.
Le décret d’application paru au JO le 14 octobre 2022 a principalement pour objet d’apporter des précisions utiles sur les modalités d’application des dérogations précitées.
Est ainsi considéré comme engendrant une artificialisation des sols au sens du Code de l’urbanisme « un projet d’équipement commercial dont la réalisation engendre, sur la ou les parcelles cadastrales sur lesquelles il prend place, une augmentation des superficies des terrains artificialisés, au sens du neuvième alinéa de l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme, par rapport à l’état de ces mêmes parcelles à la date du 23 août 2021. » Pour mémoire, lesdites dispositions du Code de l’urbanisme définissent l’artificialisation, ou le terrain artificialisé, comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».
Sur cette base, sont ensuite énumérés et détaillés les critères qu’un projet doit satisfaire pour bénéficier d’une dérogation. Ainsi, le porteur de projet qui souhaite justifier de l’insertion de son projet dans l’urbanisation environnante par l’amélioration de la mixité fonctionnelle et de sa conformité avec les règles d’urbanisme en vigueur, ou encore par l’absence d’alternative à la consommation d’espace naturel, agricole et forestier devra illustrer sa justification à l’appui d’une carte ou un plan et décrire la contribution du projet aux besoins du territoire en s’appuyant sur l’évolution démographique du territoire, sur le taux de vacance commerciale et l’offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise du projet.
A cet égard, le décret précise que la mise en œuvre de mesures alternatives et notamment des mesures de compensation devra avoir pour effet de restaurer de manière équivalente ou d’améliorer les fonctions écologiques et agronomiques altérées par le projet. Le critère d’équivalence sera ainsi apprécié en termes qualitatifs et quantitatifs et les mesures devront être mises en œuvre à proximité immédiate du projet et en priorité au sein des zones de renaturation préférentielles lorsqu’elles sont identifiées dans les documents d’urbanisme locaux. Toutefois notons que, faute de précision apportée par le décret, il reviendra au juge administratif de dégager les critères qu’il conviendra de prendre en compte pour apprécier la valeur écologique des terres concernées.
Enfin, le décret subordonne l’octroi de toute dérogation par la CDAC compétente devant se prononcer sur les projets dont la surface de vente est comprise entre 3.000 m² et 10.000 m², à l’avis conforme préalable du préfet. Étant précisé que “si l’avis n’est pas parvenu dans ce délai, il est réputé défavorable”.
Ces dispositions sont applicables aux demandes d’AEC déposées depuis le 15 octobre 2022.
Décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 relatif aux modalités d’octroi de l’autorisation d’exploitation commerciale pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols