Par un arrêt du 15 mars 2024, la Cour administrative d’appel de Paris refuse de qualifier des espaces de coworking de locaux à usage commerciaux, au motif que la société requérante n’apporte pas la preuve de l’importance quantitative des prestations de services réalisées en sus de la mise à disposition des clients de locaux à usage de bureaux ; ainsi, pour elle, il s’agit de locaux à usage de bureaux au sens de l’article 231 ter du CGI.
En l’espèce, la société Deskopolitan exerce, au sein des locaux qu’elle a pris à bail à la société Deskodine situé au 48 rue du Château d’Eau à Paris (10ème), une activité consistant à mettre à disposition des espaces de travail à des clients auxquels elle fournit différentes prestations de services additionnelles de type hôtelier, mais également l’accès à un service ” communauté “, incluant une cuisine commune et un réseau social interne, l’accès à des évènements sociaux et professionnels, ainsi qu’à des services de bien-être, tels des cours de yoga. À ce titre, la SAS Desdokine avait été assujettie à la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, au titre de l’année 2018, 2019 et 2020, ce qu’elle a contesté.
Par jugement n° 2113114 du 29 novembre 2022, le Tribunal administratif de Paris considère que des locaux affectés à une activité de mise à disposition d’espaces de « coworking » peuvent être qualifiés de locaux commerciaux (et non de bureaux) pour les raisons suivantes, conduisant à considérer qu’il y a ici la réalisation de prestations de services :
- L’activité « consiste dans la mise à disposition d’espaces de travail et, selon les offres, un ensemble de prestations comme l’accès à des salles de réunion, à internet, à des prises électriques, à des espaces de détente et de convivialité, à une cuisine équipée et un service de restauration, à des cours de yoga, à des ‘’espaces projets informels’’, à des cabines téléphoniques, à des équipements techniques ou encore à divers événements sociaux et professionnels qu’elle organise ».
- Les « clients souscrivent des contrats de prestations de services conclus pour des durées variables et les tarifs, fixés de manière forfaitaire, dépendant des formules choisies ».
- « Le public intéressé peut enfin directement se rendre dans les locaux, dont la façade est coiffée d’une enseigne commerciale, pour les visiter, obtenir un devis ou souscrire sur place aux offres proposées ».
En appel, la Cour relève que « la description sur le site internet de la société des prestations offertes à la clientèle, la production du contrat de prestations de service conclu avec les clients ainsi que des conditions générales de vente ne permettent pas de rapporter la preuve de l’importance quantitative de telles prestations et d’établir qu’elles revêtiraient autre chose qu’un caractère accessoire à l’activité principale de la société Deskopolitan consistant à fournir à ses clients des locaux à usage de bureaux », de sorte qu’il n’est en réalité pas possible de considérer en l’espèce que ces prestations commerciales justifient de qualifier ces locaux comme des locaux à usage commerciaux et non de bureaux.
Ainsi, les locaux affectés à une activité de « coworking » doivent être qualifiés de « bureaux » dès lors que les prestations de services fournies par la société exploitante en complément de la mise à disposition des espaces de travail revêtent un caractère accessoire à l’activité principale. A défaut, les prestations offertes présentent un caractère principal, les locaux seront qualifiés de locaux commerciaux.
La qualification d’un espace de coworking est donc une affaire d’espèce qui dépend des caractéristiques de l’activité de l’occupant.
CAA Paris 15 mars 2024, n° 23PA00132