Une nouvelle fois, les juges de la Cour de cassation ont confirmé leur position quant à la question de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage de la famille, par des époux séparés de biens.
En effet, la solution rendue le 9 juin 2022 (Cass. 1ère civ. 9 juin 2022, n° 20-21.277) s’inscrit dans le prolongement de solutions jurisprudentielles bien établies qui admettaient déjà que, sauf convention contraire, l’apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparés de biens en vue de financer l’acquisition du bien affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage. La solution rendue est désormais également applicable aux dépenses d’amélioration que fait l’époux ou encore du « financement, par un époux, d’un investissement locatif destiné à constituer une épargne […] » qui, lui aussi, « ne relève pas à la contribution aux charges du mariage » (Cass. 1re civ., 5 oct. 2016, n°15-25.944).
Attention, cette solution ne doit pas être confondue avec la situation de l’époux séparé de biens, prenant en charge des échéances d’emprunt servant à l’acquisition d’un immeuble à usage familial, qui lui, participe de sa contribution aux charges du mariage. Toutefois, en raison de clauses souvent très courantes dans la rédaction des contrats de séparation de bien, il est parfois impossible, pour l’époux qui a le plus contribué, de réclamer une indemnité au titre d’une sur-contribution : on parle de la « double clause » de contribution au jour le jour et de non recours de l’un contre l’autre. Cette solution ayant été elle-même étendue aux partenaires de Pacs.
La Cour offre tout de même une dernière interprétation, rappelant dans son arrêt qu’en cas de « convention contraire » entre les époux, ces solutions peuvent recevoir des aménagements.
Il est un point important que souligne Bernard BEIGNIER[i] dans son article paru dans La Semaine Juridique de septembre 2022 : le notaire rédacteur doit être extrêmement vigilant s’agissant de la clause relative à la contribution aux charges du mariage ; son application pouvant s’avérer redoutable si on ne lui confère pas un soin particulier. Les trames pré établies des logiciels sont donc certes, indispensables à la pratique rédactionnelle, mais doivent, sans aucun doute, être scrupuleusement analysées afin de ne pas commettre d’impers. Dans ce contexte, gare à ne pas pousser la réflexion assez loin, au risque de voir sa responsabilité mise en cause.
Quelle solution est donc à envisager afin de conseiller efficacement les époux souhaitant convenir d’un régime séparatiste ? L’une des solutions serait sans doute l’adoption d’une séparation de bien avec adjonction d’une société d’acquêts à l’effet d’y inclure le logement de la famille. Elle permet d’assouplir le régime de la séparation de biens pure et simple en faisant profiter un des époux, de l’enrichissement de l’autre, mais également la mise en application des clauses du régime de communauté au sein de la société d’acquêt. Ce régime matrimonial hybride, issu de la pratique notariale, présente bien des avantages, cependant, n’ayant pas de cadre légal, il doit faire l’objet d’une attention particulière lors de sa rédaction, qui définira les règles applicables entre les époux.
Textes de référence:
[i] BERNARD BEIGNIER, doyen honoraire de la faculté de droit et de science politique de l’Université de Toulouse 1 Capitole – La Semaine Juridique – Notariale et Immobilière – N°38 – 23 septembre 2022 – Jurisprudence Commentée Famille 1226 – page 41.