Les dispositions de la loi n° 2023-622 du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité, sont entrées en vigueur le 21 juillet 2023.
Au cœur de ces dispositions, figurent celles relatives aux nouvelles modalités de versement de l’Allocation Journalière de Présence Parentale (AJPP) prévue à l’article L. 544-1 du Code de la sécurité sociale. Allouée, sous certaines conditions, pour chaque jour de congé de présence parentale prévu à l’article L. 1225-62 du Code du travail, au profit de personnes assumant la charge d’un enfant malade, atteint d’un handicap ou victime d’un accident grave, rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants, elle a vocation à compenser tout ou partie de la perte de revenus liée aux interruptions ponctuelles de leur activité professionnelle.
Si ces dispositions visent majoritairement à modifier les Codes du travail et de la sécurité sociale afin de faciliter le quotidien des parents devant concilier présence parentale accrue et poursuite de la vie professionnelle, l’article 6 de cette loi vient également modifier l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, en intercalant au paragraphe IV préexistant (devenu V), un article ainsi rédigé :
« IV. – Le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au I du présent article à l’égard de tout bénéficiaire de l’allocation mentionnée à l’article L. 544-1 du code de la sécurité sociale dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée. »
La formulation de cette exception au principe arrêté au paragraphe I de l’article 15 n’est pas sans rappeler celle qui avait été établie ab initio par les dispositions de la loi de 1989, au III de l’article 15, concernant, dans sa rédaction actuelle, les locataires âgés de plus de 65 ans dont les ressources annuelles sont inférieures au même seuil, interdisant au bailleur de s’opposer au renouvellement du contrat de bail en donnant congé dans les conditions définies au I de l’article 15, sans qu’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert, dans les mêmes limites géographiques.
Si les nouvelles dispositions du IV semblent avoir été calquées sur celles du III, ne manquons pas de relever que, si le bailleur, personne physique, peut faire échec aux dispositions du III de l’article 15 susvisé lorsqu’il est lui-même âgé de plus de 65 ans ou que ses ressources annuelles sont inférieures au seuil susvisé, une telle dérogation n’a pas été prévue concernant les bailleurs personnes physiques bénéficiaires de l’AJPP ou soumis aux mêmes conditions de ressources, alors-même que leur situation, notamment financière, pourrait constituer un juste motif de reprise ou de revente.
Acte délibéré ou simple oubli rédactionnel ? L’examen des travaux préparatoires ne permet pas de le déterminer. Aussi, contentons-nous de relever qu’à la lecture de l’exposé sommaire accompagnant les amendements reçus favorablement par le rapporteur de la commission des affaires sociales, ayant permis l’introduction de ces dispositions dans la proposition de loi, le souhait exprimé était bien d’opérer un parallélisme entre ces dispositions en instaurant une protection au profit du « locataire dont l’enfant est atteint, sur justificatif médical, d’une maladie grave ou d’un handicap, sur le modèle de la protection en vigueur concernant les locataires de plus de 65 ans. »
Notons par la même occasion que la formulation initialement proposée aux termes des amendements, de consacrer ce dispositif protecteur au profit de « locataires dont l’enfant à charge est atteint d’une maladie grave ou d’un handicap, sur justificatif médical », a fait l’objet d’un sous-amendement de précision rédactionnelle, adopté à l’initiative du rapporteur, ayant eu pour effet de restreindre le bénéfice de ce dispositif aux bénéficiaires effectifs de l’AJPP. Un membre du groupe à l’origine de l’un des amendements n’a, à cet égard, pas manqué de relever que « Contrairement à ce que souhaite le rapporteur, il ne faudrait pas limiter cette disposition aux seuls bénéficiaires de l’AJPP », ainsi qu’il résulte des comptes-rendus de la commission.
La condition de perception de l’AJPP devra dont être interprétée strictement.
S’il convient de se réjouir de l’entrée en vigueur de ces dispositions, c’est à la condition que cela ne freine pas l’accès au logement de cette nouvelle catégorie de locataires protégés (en dépit de l’interdiction expressément consacrée à cet égard par l’article 1er de la loi de 1989), et ne complique davantage le quotidien de ces familles déjà fragilisées.
A cet égard, la rapporteure de la commission mixte paritaire se veut rassurante, notant que « cette limitation des droits des bailleurs s’exercera pour une période de temps raisonnable puisqu’elle ne sera applicable que le temps du bénéfice de l’allocation, laquelle a une durée moyenne de versement de huit mois et une durée maximale de six ans, après renouvellement. En outre, du fait des conditions strictes prévues, l’application de cette protection restera extrêmement marginale : au faible nombre de bénéficiaires de l’AJPP – 11 000 en 2021 – doit encore être retranché les familles dont les revenus dépasseront le plafond de ressources. L’Union nationale des associations de parents d’enfants atteints de cancer ou de leucémie, entendue en audition, ne recense par ailleurs que très peu de cas de non renouvellement d’un bail chez les familles accompagnées par les associations. Pour ces raisons, la rapporteure soutient donc le dispositif prévu à cet article. »
Reste à déterminer, loin des préoccupations de ces familles, le degré d’information auquel sera tenu le propriétaire-bailleur désireux de vendre son logement loué, tiraillé entre une obligation d’information vis-à-vis des candidats à l’acquisition, et, à tout le moins, un devoir de discrétion quant aux données à caractère personnel attachées à la personne de son locataire (dans la mesure où il est d’ailleurs informé de la situation de ce dernier, lequel n’est tenu à son égard à aucune obligation légale à ce titre).
Loi n° 2023-622 du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité