Publiée au Journal officiel du 15 février 2022, la loi n° 2022-172 en faveur de l’activité professionnelle indépendante institue un nouveau statut d’entrepreneur individuel.
Pour mémoire, l’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée), instituée il y a une dizaine d’années, permettait à l’entrepreneur individuel de créer un patrimoine « d’affectation » dédié à son activité professionnelle et ayant pour effet de mettre ses biens personnels (tels que sa résidence principale ou secondaire) à l’abri des créanciers professionnels.
Le nouveau statut d’entrepreneur individuel va encore plus loin dans la mesure où il institue une « étanchéité » de plein droit entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de toute personne physique qui exerce « en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes ». Ainsi, les commerçants, artisans, professions libérales et agriculteurs seront censés bénéficier automatiquement de cette protection à compter du 15 mai 2022. En effet, conformément aux dispositions de l’article 9 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, la date d’entrée en vigueur du texte est fixée à l’expiration d’un délai trois mois à compter de sa promulgation.
Il convient néanmoins de préciser que cette séparation des patrimoines instaurée d’office n’a rien d’irréversible. En effet, l’indépendant aura concrètement la possibilité de renoncer à cette étanchéité de manière ponctuelle, à la demande spécifique d’un créancier professionnel. Dans ce cas, ce dernier pourra également saisir les biens du patrimoine personnel de l’entrepreneur.
Concernant le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de Sécurité sociale, des exceptions sont prévues à la règle de la séparation des patrimoines notamment en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservations graves et répétées par l’indépendant de ses obligations fiscales ou sociales.
Afin de pallier le risque d’assèchement du financement de l’activité des entrepreneurs, le gouvernement doit remettre au Parlement, avant le 1er mars 2024, un rapport relatif à l’application du nouveau statut, dans lequel il fait notamment état des conditions d’accès au crédit des entrepreneurs individuels et propose, le cas échéant, les améliorations législatives nécessaires concernant leurs relations avec les établissements de crédit.
La création d’une société pour y exploiter son activité gardera tout son intérêt et devra sans doute être encouragée, car, dans l’immédiat, l’application de la réforme ne sera pas sans susciter certaines difficultés d’interprétation dans la mesure où des incertitudes demeurent. En effet, les contours exacts de la notion de « biens utiles à l’activité professionnelle » seront précisés par un décret en Conseil d’État. Il devra notamment éclaircir le cas des biens mixtes comme une voiture utilisée à la fois pour son usage personnel et professionnel. Ainsi, dans l’attente des décrets d’application, toute la difficulté pour les juristes sera d’appréhender la délimitation entre le patrimoine personnel et le professionnel. Enfin, en cas de contentieux, ce sera à l’entrepreneur individuel de prouver l’affectation d’un bien à un patrimoine.
Loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante