La Cour de cassation est revenue sur les effets de la promesse de vente ne valant pas vente dans un arrêt du 7 septembre 2022.
En l’espèce, une société a acquis d’un couple en difficulté financière un bien immobilier. Elle a laissé à ses vendeurs la jouissance du bien qui constituait leur résidence principale. La société a ensuite consenti aux enfants de ses vendeurs une promesse synallagmatique de vente portant sur la résidence de leurs parents.
Ces derniers ont assigné le vendeur en réalisation forcée de la vente.
La Cour d’appel les déboute de cette demande et la Cour de cassation confirme cette décision. Elle souligne que, les juges du fond ayant interprété la promesse comme érigeant en condition essentielle de leur consentement la réitération de la promesse par acte authentique dans un délai de deux ans, ils en ont exactement déduit que la promesse de vente ne valait pas vente et que celle-ci était devenue caduque dans la mesure où la réalisation de la vente n’avait pas été sollicitée dans le délai convenu.
La Haute Juridiction ajoute que le fait d’avoir laissé ses vendeurs dans les lieux pendant treize années sans demander le versement d’une redevance d’occupation ou leur départ ne constituait pas une exécution par la promettante de la promesse de vente puisque cette dernière avait acquis le bien à la condition que ses vendeurs puissent continuer à habiter l’immeuble cédé qui constituait leur résidence principale.
Cet arrêt met en lumière la différence entre deux types de promesses de vente : celles valant vente et celles ne valant pas vente.
En principe, la promesse synallagmatique de vente vaut vente lorsque les parties se sont entendues sur la chose et sur le prix (art. 1589 al. 1 du Code civil). Elle est ensuite réitérée par acte authentique (le transfert de propriété est d’ailleurs régulièrement différé au jour de la réitération). Si la promesse n’est pas réitérée dans le délai convenu, chacune des parties pourra, à compter de l’extinction de ce délai, mettre en demeure son cocontractant de réitérer la promesse par acte authentique et à défaut de demander l’exécution forcée de la vente (si les conditions suspensives sont réalisées) ou sa résolution, dans la mesure où la vente est déjà formée.
Tel n’est pas le cas en présence d’une promesse synallagmatique de vente ne valant pas vente. Ce type de promesse se rencontre lorsque les parties érigent en condition de validité de la vente un élément qui constitue en principe une simple modalité de celle-ci, telle que la réitération par acte authentique avant l’expiration d’un délai fixé. Dans cette hypothèse, si la réitération n’intervient pas dans le délai convenu, la promesse est caduque. Cette absence de réitération ne peut donner lieu à exécution forcée puisque la vente n’est pas formée. Des dommages-intérêts pourront en revanche être sollicités.
Néanmoins, sans que le terme de promesse de vente ne valant pas vente soit repris, cette forme est consacrée dans l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux – qui fait actuellement l’objet d’une consultation – à l’article 1587-1, qui dispose que : « Quand la formation de la vente a été expressément subordonnée par les parties soit à la réitération de leur accord, soit à leur accord sur un autre élément que le bien ou le prix, le défaut de réitération ou d’accord rend la promesse caduque. Si l’absence de réitération lui est imputable à faute, l’une des parties peut être tenue de verser à l’autre des dommages et intérêts sans l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat. ».
Le plus souvent, la condition essentialisée consiste dans la réitération de la vente en la forme authentique. A cet égard, il est intéressant de souligner que, lors du 118ème Congrès des notaires qui s’est tenu le 13 octobre dernier, « a été adoptée à plus de 90% la proposition de la première commission visant à solenniser la vente immobilière »*. Cette proposition se justifierait notamment au regard de la nécessité d’adapter le régime de la vente immobilière, aujourd’hui consensuelle, à une réalité pratique impliquant de facto de remplir certaines exigences de forme. Or, la solennisation de la vente immobilière aurait pour conséquence de faire du formalisme de la vente immobilière une condition légale de sa formation. Par conséquent, les promesses synallagmatiques de vente ne respectant pas le formalisme requis ne vaudront plus vente de par la loi et ce sans que les parties aient à essentialiser les solennités.
Il sera intéressant de voir si l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux sera modifié afin de tenir compte de cette proposition.
Cass. 3ème civ. 7 septembre 2022 n° 21-17.628, X c/ Sté Cap d’Ail
*Proposition du 118e Congrès des Notaires de France : la solennisation de la vente immobilière, Actualités du droit Wolters Kluwer, 22 octobre 2022 [accès abonnés]