Paiement par la caution et résolution ultérieure du prêt : la banque n’est pas titulaire de l’action en restitution ! C’est un arrêt de la Cour de cassation du 9 mars 2022 qui apporte cette précision : la banque ayant été payée par la caution, elle n’a plus d’intérêt à agir. C’est donc à cette dernière, via son recours subrogatoire, d’agir contre le débiteur.
Il s’agit, en l’espèce, d’un prêt finançant une acquisition immobilière VEFA garantie par une caution (professionnelle). La caution est actionnée et rembourse la banque, puis la résolution de la vente et du prêt est prononcée judiciairement à la suite d’un retard d’exécution de travaux et de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du vendeur.
Alors que la Cour d’appel condamnait solidairement les acquéreurs à restituer le capital prêté à la banque au titre de l’obligation de restitution, la Cour de cassation casse cet arrêt. En effet, pour la première Chambre civile, c’est à la caution d’agir contre les acquéreurs, au titre de son recours subrogatoire (article 2306 du Code civil).
Cet arrêt revient ainsi sur la question des recours après paiement de la caution, qui n’ont pas été affectés par la récente réforme du droit des sûretés. La caution, qui ne peut plus désormais se prévaloir des recours avant paiement, supprimés par la réforme parce que jugés désuets et critiquables, conserve un double recours après paiement : un recours personnel (nouvel art. 2308 C. civ.) et un recours subrogatoire, celui concerné par l’arrêt étudié (art. 2309 nouveau du Code civil). Il s’agit, on le sait, d’une application du droit commun de la subrogation.
A cet égard, la solution retenue se comprend compte-tenu de la définition même de la subrogation (article 1346 du Code civil) : le débiteur est libéré à l’égard du créancier, dès lors que ce dernier est désintéressé par un tiers y ayant un intérêt légitime. Il n’est en revanche pas libéré à l’égard du tiers solvens qui se trouve subrogé dans les droits et actions du créancier.
Cependant, en cas de résolution d’un contrat, la créance est réputée n’avoir jamais existé. Sa transmission par voie de subrogation s’en trouve donc en principe également affectée.
Dès lors, la solution retenue nous semble reposer sur une incohérence : même si la caution a payé antérieurement à la place du débiteur, la résolution du contrat principal entraîne l’extinction des contrats accessoires, et donc du cautionnement. Le recours subrogatoire devrait donc être privé d’effet – voire ne pas exister – puisque le contrat qui le fondait a été anéanti. Il serait plus juste juridiquement d’accorder à la banque la restitution par l’emprunteur du capital prêté et à la caution une action en enrichissement sans cause contre la première.
Enfin, une question importante mérite d’être soulevée : s’il doit être considéré que la caution bénéficie toujours de son recours subrogatoire contre le débiteur de la créance garantie, qu’advient-il des autres sûretés ? La caution peut en principe se prévaloir de celles dont bénéficiait le créancier, ce qui peut être d’une importance capitale si le débiteur est insolvable. C’est d’ailleurs pour cela qu’existe le bénéfice de subrogation (article 2314 du Code civil), la caution pouvant refuser de payer si certaines sûretés ont été perdues par le fait du créancier. Mais, dans un cas comme celui analysé, les autres sûretés accessoires au contrat de prêt devraient également s’éteindre par suite de sa résolution, laissant le seul recours subrogatoire contre le débiteur à la caution, tributaire alors de la solvabilité de celui-ci.
Même si cet arrêt semble se justifier afin d’éviter les recours en chaîne, il est porteur de conséquences non négligeables pour la caution.
Cass. 1ère civ. 9 mars 2022, n° 19-19.392