Dans sa décision « Société Energie Ménétréols » en date du 1er mars 2023, mentionnée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat considère que les commodités du voisinage ne relèvent pas de la salubrité publique au sens des dispositions de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme et, par suite, qu’elles ne peuvent permettre de justifier un refus de permis de construire sur le fondement de cet article.
Au cas d’espèce, à la suite de décisions implicites de rejet sur ses demandes de permis de construire portant sur quatre éoliennes, une société forme auprès du préfet une demande de communication des motifs de ces décisions ainsi qu’un recours gracieux. Par suite, le préfet rejette expressément les demandes de permis de construire au motif, notamment, « que le projet d’implantation d’éoliennes en aggravant l’encerclement du bourg (…) et l’effet de saturation visuelle serait de nature à porter atteinte à la salubrité publique selon les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ».
Par un arrêt du 15 juin 2021, la Cour administrative d’appel de Bordeaux confirme le jugement du Tribunal administratif de Limoges rejetant la demande d’annulation des arrêtés préfectoraux refusant les permis de construire sollicités.
Dans sa décision du 1er mars 2023, la Haute juridiction apporte des précisions sur la caractérisation d’une atteinte au sens de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme en vertu duquel un « projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. »
Dans un premier temps, la Haute juridiction rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle, afin d’apprécier si les risques susmentionnés justifient un refus de permis de construire, l’autorité compétente doit, sous le contrôle du juge, prendre en compte la probabilité de réalisation de ces risques et la gravité de leurs conséquences s’ils se réalisent (CE, 16 juillet 2014, n° 356643 ; CE, 27 mai 2021, M. B… et autres, n° 436391).
Dans un deuxième temps, le Conseil d’État annule la décision de la Cour administrative d’appel aux motifs que les commodités du voisinage – telles que l’effet de saturation visuelle – ne relèvent pas de la salubrité publique au sens de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme et que les juges administratifs n’ont explicité ni la teneur ni la gravité des atteintes à la salubrité publique qui seraient induites par le projet.
Dans ses conclusions sous cette décision, Nicolas Agnoux, rapporteur public, affirme que « les atteintes à la salubrité publique susceptibles de fonder un refus de permis de construire ne renvoient pas à de simples gênes ou désagréments pour le voisinage, mais à des facteurs objectifs conçus immédiatement comme rendant les lieux impropres ou quasi-impropres à l’habitation dans une aire rapprochée ». Ainsi, selon lui, « la gêne visuelle occasionnée par des éoliennes distantes de plusieurs kilomètres ne (…) paraît manifestement pas de nature à caractériser une atteinte à la salubrité publique ».
Il convient toutefois de relever que la Haute Juridiction juge, par une décision du même jour, que la saturation visuelle peut a contrario être prise en compte pour apprécier les inconvénients d’un projet « pour la commodité du voisinage » au sens de l’article L. 511-1 du Code de l’environnement relatif aux ICPE et ainsi justifier un refus d’autorisation environnementale sur ce fondement (CE 1er mars 2023, Société EDPR France Holding, n° 459716).