Saisi par la ministre de la Transition écologique, le Conseil d’État annule l’arrêt de la Cour administrative de Douai jugeant que l’État avait manqué à ses obligations dans le contrôle de l’ancien site métallurgique Metaleurop et le condamnant à indemniser les préjudices découlant de ce manquement. Le Conseil d’État estime que la Cour, en se fondant sur le seul constat d’une pollution aux métaux lourds sur les terrains voisins de l’usine, n’a pas caractérisé en quoi l’Etat, qui a soumis l’usine à un encadrement et un suivi régulier et de plus en plus précis à partir de 1934 et jusqu’à sa fermeture en 2003, aurait manqué à ses obligations au titre de la police des installations classées. L’affaire est renvoyée à la Cour administrative de Douai qui devra se prononcer à nouveau.
La société Penarroya a exploité, depuis les années 1920, une usine métallurgique à Noyelles Godault et Courcelles-Lès-Lens. Cette société a ensuite intégré le groupe Metaleurop dans les années 1990, avant que Metaleurop cesse de financer cette filiale alors placée en redressement judiciaire puis liquidée le 10 mars 2003 entraînant l’arrêt de l’exploitation du site – laissant derrière elle, une empreinte environnementale lourde notamment en matière de pollution des sols et de rejets atmosphériques.
Face à cette situation, des riverains ont demandé au Tribunal administratif de Lille, puis à la Cour administrative d’appel de Douai, d’annuler la décision du Préfet du Pas-de-Calais qui a rejeté leur demande tendant à faire réaliser en urgence :
- des travaux de dépollution impliquant à tout le moins la réalisation d’un décapage de la totalité de leur terrain et la remise en état avec apport de terres saines ;
- et de condamner l’État à leur verser en réparation des différents préjudices la somme de 58 000 euros.
La Cour administrative d’appel de Douai a condamné l’État à leur verser une somme de 46 000 euros en réparation des préjudices.
Saisie par la ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, la plus haute juridiction administrative rappelle tout d’abord que l’Etat, dans l’exercice de ses pouvoirs de police en matière d’installations classées (ICPE), doit assurer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement : la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l’agriculture, la protection de la nature, l’environnement et des paysages etc.
Cette protection s’exerce, en premier lieu, par l’autorisation délivrée à l’exploitant de l’ICPE laquelle est assortie de prescriptions encadrant les conditions d’installation et d’exploitation pouvant être de nature à prévenir les risques susceptibles de survenir. L’État exerce ensuite sa mission de contrôle sur l’ICPE en veillant au respect des prescriptions imposées à l’exploitant et à leur adéquation avec la protection des intérêts susmentionnés. A cet égard, les services en charge du contrôle disposent des pouvoirs nécessaires permettant de visiter les ICPE soumises à autorisation, adapter la fréquence et la nature de leurs visites à la nature, la dangerosité et la taille des ICPE et enfin tenir compte, dans l’exercice de cette mission des indications dont ils disposent sur les facteurs de risques particuliers affectant les ICPE ou sur d’éventuels manquements commis par l’exploitant.
En l’espèce, les services de l’État ont pris de nombreuses mesures, notamment :
- l’usine a été encadrée par un arrêté préfectoral à compter du 31 juillet 1934 ;
- une soixantaine d’arrêtés préfectoraux ont encadré les points et les valeurs des rejets atmosphériques lesquels ont d’ailleurs exigé la mise en place de capteurs à l’extérieur du site ainsi que la réalisation d’études ;
- les mesures adoptées à la fin des années 1990 ont notamment conduit à exiger de nouvelles études sur les pollutions et aussi à mettre en demeure l’exploitant de respecter les exigences qui lui étaient alors imposées,
- d’autres arrêtés ont prescrit des mesures d’urgence relatives aux terres polluées. Il était notamment exigé la mise en place de dépoussiérateurs et de filtres ainsi que la réalisation d’études de moyens techniques afin de remédier à la pollution atmosphérique ;
- il a été demandé à l’exploitant, par un arrêté de 1997, de réaliser un bilan portant sur les émissions diffuses lequel a entraîné un arrêté préfectoral du 16 décembre 1999 imposant la mise en œuvre de moyens visant à limiter les rejets diffus afin de limiter les émissions à 10 tonnes de plomb par an.
Ces actions traduisent une volonté d’encadrer l’activité industrielle et de limiter ses impacts. La Cour administrative d’appel, pour connaître l’existence d’une carence fautive de l’État dans l’exercice de la police des ICPE, s’est fondée sur les sujétions imposées par le préfet qu’elle considère insuffisantes pour prévenir une pollution excessives des sols. Or, le Conseil d’État juge que les juges d’appel ne démontrent pas en quoi l’administration aurait failli à ses obligations alors même que des prescriptions ont été imposées et que des contrôles ont été effectués.
Cette décision illustre l’exigence de rigueur dans l’appréciation de la responsabilité de l’Etat en matière de pollution environnementale. Elle rappelle que la reconnaissance d’une faute ne peut se fonder sur une insatisfaction des résultats mais doit nécessairement reposer sur la démonstration d’un manquement clair aux obligations de prévention et de contrôle issues de la police des ICPE. En l’absence de preuve d’une telle carence, la responsabilité de l’État ne saurait être engagée.