Depuis la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, les responsables politiques successifs n’ont eu de cesse de chercher une méthode constructive permettant de mettre en application les mesures écologiques nécessaires à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050.
Nous avions jusqu’à présent tous à l’esprit le fameux Diagnostic de Performance Energétique (DPE) dont l’objet est d’informer l’acquéreur ou le locataire sur la consommation énergétique et la quantité d’émission de gaz à effet de serre d’un bâtiment.
Cependant, ce diagnostic était purement informatif et ne pouvait que difficilement aboutir à la mise en cause d’une quelconque responsabilité du vendeur ou du bailleur.
Si le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021, en ce qu’il interdira à compter du 1er janvier 2023 la mise en location de logements classés G au titre du diagnostic de performances énergétiques, donnera du poids à ce dispositif dans le secteur résidentiel, gageons que son impact demeurera peu significatif en matière tertiaire.
Le décret dit « tertiaire » du 23 juillet 2019, entré en vigueur le 1er octobre 2019, et assorti désormais de ses textes d’application, propose quant à lui une autre approche en la matière.
Il n’est désormais plus question de simplement informer un éventuel acquéreur ou locataire, dans l’espoir que ce dernier se charge de réaliser les travaux que son vendeur ou propriétaire n’avait pas faits, mais d’inciter concrètement le propriétaire ou l’utilisateur d’un bâtiment « tertiaire » à agir pour réduire de façon mesurable et significative leur consommation d’énergie.
Ainsi, l’article L. 111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation assigne un objectif de réduction de la consommation d’énergie finale pour l’ensemble des bâtiments à usage tertiaire d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010.
Après avoir précisé le champ d’application du texte, et défini la notion de consommation énergétique finale, le législateur énonce de façon non limitative certains axes permettant de répondre à cet objectif de réduction : l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, l’installation d’équipements performants et de dispositifs de contrôle et de gestion, et enfin l’ajustement du comportement des occupants.
Le législateur, à juste titre, s’est bien gardé de détailler précisément les différentes mesures possibles, laissant avec sagesse aux propriétaires et aux preneurs à bail le soin de définir et de mettre en œuvre ces mesures.
Un mécanisme de contrôle est également instauré, sous la responsabilité du Préfet.
Ainsi, au plus tard le 30 septembre 2021, et annuellement par la suite, une déclaration des consommations d’énergie devra être transmise sur la plateforme électronique dénommée OPERAT par le propriétaire et l’éventuel preneur à bail s’agissant des équipements et systèmes dont ils assurent respectivement l’exploitation.
Cette plateforme est toujours en cours de développement par l’ADEME.
En réponse, la plateforme délivrera plusieurs informations parmi lesquelles une attestation numérique indiquant (i) la consommation d’énergie finale du bâtiment (ii) les objectifs de consommation et (iii) une évaluation de l’émission de gaz à effet de serre correspondante.
En cas de non-respect des objectifs de réduction des consommations, le Préfet sera en droit de mettre en demeure les assujettis d’établir et de respecter un programme d’actions permettant de corriger la trajectoire de réduction de leur consommation énergétique en vue d’atteindre les objectifs assignés par la loi.
Le non-respect réitéré par les assujettis de leurs obligations peut engendrer le paiement d’une amende administrative de 1.500 euros pour une personne physique, et de 7.500 euros pour une personne morale. En comparaison avec le coût potentiel des travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, cela semble peu, pour ne pas dire dérisoire.
L’originalité du dispositif réside en revanche dans un autre procédé. Prenant acte de l’importance considérable de la réputation dans un monde irrigué en permanence par les réseaux sociaux et le culte de l’image, le législateur impose aux assujettis d’afficher l’attestation délivrée par la plateforme OPERAT dans les locaux concernés : « à un endroit visible et facilement accessible », notamment par le personnel et le public circulant dans les locaux.
Dans le même esprit, la non-transmission des données ou l’absence de mise en œuvre d’un programme d’actions pourront faire l’objet d’une publication par le Préfet sur la plateforme OPERAT.
Ainsi, le législateur prend le pari que le « qu’en dira-t-on » ou le « name and shame » seront plus efficaces qu’une sanction pécuniaire.
Loin d’être un simple observateur de la situation, le notaire est impliqué dans la mise en œuvre de ce Green Deal.
Ainsi lui est-il fait obligation d’annexer à toute promesse de vente, ou à défaut à tout acte de vente d’un bâtiment « tertiaire », le document d’évaluation du respect de l’obligation de réduction de la consommation d’énergie finale. La communication de ces données dès la période de pourparlers sera donc vivement recommandée, faute de quoi les futurs acquéreurs ne manqueront pas d’arguer de la mauvaise prise en compte de ces obligations pour obliger leur cocontractant à revenir à la table des négociations.
De plus, dans le cadre de l’établissement d’un contrat de bail sur des bâtiments assujettis, les textes prévoient une répartition entre bailleur et preneur de leurs obligations respectives « en fonction des dispositions contractuelles régissant leurs relations ». Compte-tenu de l’importance des investissements en jeu, ainsi que de la possible atteinte à la réputation de l’une ou l’autre des parties prenantes, s’adjoindre les conseils d’un professionnel du droit sera décisif afin d’établir clairement les responsabilités de chacun en la matière.
Geoffroy PADOVANI et Kristel COURT
CHEUVREUX BORDEAUX