La décision du 10 octobre 2022 donne une illustration des circonstances dans lesquelles le Conseil d’État peut être amené à statuer, à la fois en qualité de juge de cassation sur les litiges relatifs au permis de construire initial et en qualité de juge de premier et dernier ressort sur un litige portant sur un permis de régularisation. Par ailleurs, le Conseil d’État précise les modalités de calcul de la distance entre un projet et une gare pour l’application des plafonnements légaux des obligations prévues par les documents d’urbanisme en matière de stationnement.
Le présent litige concerne les autorisations de construire délivrées pour l’édification d’un immeuble collectif de trente-neuf logements et de locaux commerciaux et la création de trente-quatre aires de stationnement, situé à moins de 500 m à vol d’oiseau d’une station de métro bien desservie de Lyon.
A la demande des voisins immédiats, le Tribunal administratif de Lyon, par un premier jugement du 29 novembre 2018, a annulé un permis de construire délivré le 25 juillet 2017. Par une décision en date du 13 mars 2020, le Conseil d’État a annulé le jugement et renvoyé l’affaire devant les juges du fond. Par un nouveau jugement du 23 mars 2021, le Tribunal administratif de Lyon a partiellement annulé le permis de construire et imparti au pétitionnaire, sur le fondement de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme, un délai de trois mois pour solliciter un permis de construire modificatif régularisant le projet. Alors qu’ils avaient formé un pourvoi dirigé contre le jugement du 23 mars 2021, les requérants ont attaqué en parallèle le permis de régularisation délivré à la société le 9 novembre 2021. Par une ordonnance du 6 mai 2022, la présidente du tribunal a transmis ce recours au Conseil d’État.
Ce contexte nous rappelle que lorsqu’il statue définitivement sur la légalité d’un permis de construire, le Conseil d’État est susceptible de connaître, comme juge de premier et de dernier ressort, du recours dirigé contre le permis de régularisation délivré après annulation partielle du permis initial.
La Haute juridiction justifie sa décision par l’application, « dans les circonstances de l’espèce », de l’article L. 600-5-2 du Code de l’urbanisme et vise au surplus l’intérêt d’une bonne administration de la justice, dès lors que le sort contentieux du permis initial dépend de celui du permis de régularisation. La disposition prévoit en effet que lorsqu’un permis modificatif de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis initialement délivré et que cette décision de régularisation a été communiquée aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. Attendu que l’instance en cause portait bien sur un recours dirigé contre un permis de construire au sens de l’article L. 600-5-2 et que le recours contre le permis de construire modificatif de régularisation lui a été transmis et a été communiqué aux parties à l’instance en cours devant lui, le Conseil d’État a procédé au règlement au fond du litige. Soulignons que cette solution ne vaut que « dans les circonstances de l’espèce ». Partant, les juges du Palais Royal pourraient refuser de se prononcer en qualité de juges de premier et dernier ressort sur la légalité du permis de construire modificatif de régularisation – s’il est entaché de vices propres ou de vices persistants par exemple ou si les conseillers considèrent que l’autorisation de régularisation mérite un examen préalable des juges du fond.
Sur le règlement de l’affaire au fond, notons que la décision du Conseil d’État clarifie les modalités d’application du plafonnement des obligations de réaliser des places de stationnement institué par la loi pour les constructions réalisées à proximité des transports collectifs. Pour la construction de logements situés à moins de 500 m d’une gare, d’une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre et si la qualité de la desserte le permet, le plafond est fixé à une place de stationnement par logement (c. urb. art. L.151-36) et est fixé à une place pour deux logements s’il s’agit de logements locatifs sociaux, d’établissements assurant l’hébergement des personnes âgées ou de résidences universitaires (c.urb. art. L.151-35).
En l’espèce, pour justifier que le projet pouvait bénéficier des dispositions dérogatoires précitées, les juges précisent que la distance de 500 m d’une gare s’applique à tout projet situé à l’intérieur d’un rayon de 500 m à vol d’oiseau calculé à partir de la gare ou de la station. Le projet en question était en effet situé à moins de 500 m à vol d’oiseau d’une station de métro bien desservie.