Dans un arrêt rendu le 13 juillet 2022, la Cour de cassation a jugé que l’erreur sur l’habitabilité d’une partie du bien justifiait la nullité de la vente.
Dans cette affaire, après avoir acquis une maison d’habitation sur plusieurs niveaux, les nouveaux propriétaires découvrent, à l’occasion d’un projet d’extension, que la destination d’habitation ne pouvait être que partiellement autorisée au regard des règles d’urbanisme et notamment en application des dispositions du plan de prévention des risques d’inondation. Plus précisément, l’acquéreur a cru acheter une maison entièrement habitable, or seuls le premier étage et les combles de la maison, située en zone inondable, pouvaient être légalement « autorisés à l’habitation ». C’est pourquoi, les acquéreurs ont sollicité l’annulation de la vente et l’indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de l’erreur.
À l’occasion d’un pourvoi, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation confirme le raisonnement tenu par la Cour d’appel de Paris rappelant que l’habitabilité d’un bien immobilier constitue l’une des qualités essentielles du bien vendu.
Pour mémoire, depuis la réforme du droit des contrats, la notion de « qualités essentielles de la prestation » s’est substituée à la notion de « substance même de la chose ». Par conséquent, désormais, l’erreur du cocontractant est cause de nullité à condition qu’elle porte « sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant » (C. civ., art. 1132). L’erreur sur une qualité essentielle peut porter sur une caractéristique objective du bien immobilier mais également sur une qualité subjective, autrement dit sur l’un des motifs pour lesquels les parties ont contracté. A cet égard, l’article 1133 du Code civil précise que les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
En conséquence, la découverte a posteriori par l’acquéreur de la non-conformité de son bien au regard des règles d’urbanisme ou d’un règlement d’usage, tels que l’inconstructibilité d’un terrain, le défaut d’habitabilité d’une maison ou l’impossible mise en location d’un local acquis dans ce but précis, peut justifier la nullité de la vente (Cass. 3ème civ. 3 mai 2018, n° 17-11.132 et 17-14.090).
Dans la présente affaire, le juge considère que l’erreur sur la situation juridique du bien au regard des règles d’urbanisme en vigueur – à savoir l’erreur sur la conformité de la destination du rez-de-chaussée d’une maison, autrement dit sur son caractère habitable – est constitutive d’un vice du consentement et, à cet égard, justifie la nullité de la vente immobilière, et ce malgré le fait que la maison soit partiellement habitable. Pour mesurer la portée de l’erreur et reconnaître qu’elle portait, en l’espèce, sur une qualité essentielle du bien, le juge a déduit la surface du rez-de-chaussée de la maison, composé d’une entrée, d’un séjour et d’une cuisine équipée de la surface totale du bien. En outre, la Cour de cassation souligne qu’il importe peu que toute action en démolition soit prescrite compte tenu de l’ancienneté des travaux ou que l’autorité compétente ne soit plus en mesure d’imposer une mise en conformité.
Cette décision s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle établie quant au vice du consentement en matière de vente immobilière, suivant laquelle la destination du bien vendu est l’une de ses qualités essentielle.
Cass. 3ème civ. 13 juillet 2022, n° 20-21.293