Commet une négligence fautive, et prive l’acquéreur de renoncer à la vente ou de négocier le prix, l’agent immobilier qui publie une annonce mentionnant une surface habitable de 110 m² et rédige une promesse de vente au vu des permis de construire, quand la surface autorisée par ces derniers est en réalité moitié moindre. C’est en ce sens qu’a tranché la Cour de cassation dans une décision rendue par la 1ère chambre civile le 2 février 2022.
Si l’agent immobilier n’est pas un professionnel de la construction, il est en revanche un professionnel de l’immobilier tenu à un devoir de conseil tant à l’égard du mandant, qu’à l’égard du cocontractant de ce dernier, envers lequel il est susceptible d’engager sa responsabilité délictuelle. Ce devoir de conseil implique de vérifier et de communiquer aux parties toute information pouvant influer sur leur consentement. L’étendue de ce devoir et de la responsabilité qui en découle fait toutefois l’objet d’une appréciation casuistique par les juges.
Difficile, en l’espèce, pour l’agent immobilier, de faire valoir son ignorance légitime. Non seulement il était en possession des permis de construire, mais encore avait-il une parfaite connaissance des lieux, à la différence des notaires chargés de la régularisation de la vente, dont la responsabilité a été écartée par la Cour d’appel. Ignorance d’autant moins fondée que la surface illégalement construite n’était pas moindre, puisque représentant plus de 50% de la superficie du bien, et qu’il manquait manifestement sur les plans des permis de construire « la véranda, le garage, et une troisième pièce ».
L’illégalité de la construction a de lourdes conséquences pour les acquéreurs, puisqu’elle les contraint dans leurs éventuels projets de travaux. En effet, d’une part, elle prive le propriétaire de la possibilité de reconstruire le bien à l’identique en cas de sinistre, et d’autre part, conformément à la jurisprudence Thalamy (Conseil d’État 9 juillet 1986, n° 51172), le propriétaire souhaitant réaliser des travaux soumis à autorisation devra solliciter une autorisation globale permettant la régularisation de la construction initiale.
Bien que l’article L. 421-9 du Code de l’urbanisme institue une prescription décennale en matière de travaux sur construction irrégulière, et qu’en l’espèce, trente années séparaient la date de délivrance des permis de celle de la vente, cette prescription ne s’applique pas notamment lorsque la construction a été érigée sans permis de construire, alors que celui-ci était requis.
Rappelons à cet égard qu’une construction réalisée sur le fondement d’un permis mais n’en respectant pas les prescriptions ne bénéficie pas nécessairement de la prescription décennale. Encore faut-il que l’irrégularité commise reste mineure, ce qui n’est pas le cas lorsque la surface non autorisée entre par elle-même dans le champ d’application du permis de construire, comme c’était le cas en l’espèce.
Rien d’étonnant donc, à ce que la Cour de cassation retienne la responsabilité de l’agent immobilier et reconnaisse le préjudice subi par les acquéreurs : vigilance et transparence sont de mise en matière de constructions irrégulières, pour lesquelles l’écoulement du temps ne peut être synonyme de laisser-passer.
Cass. 1ère civ. 2 février 2022, n° 20-18.388