Sous l’effet notamment de la crise sanitaire et de l’essor des plateformes numériques, les « dark-stores », ces magasins occultes destinés à préparer des commandes faites en ligne pour assurer un service de livraison de proximité qui ne sont en principe pas ouverts directement à la clientèle, connaissent une croissance exponentielle.
Le chiffre indiqué dans l’étude publiée par l’APUR en Février 2022 est particulièrement éclairant : le recours à la livraison à domicile en France en 2020 connaît une augmentation de 45%. Cet essor n’est pas sans soulever de nombreuses interrogations et notamment quant au cadre juridique de cette activité.
Dans ce contexte, le Gouvernement a publié mi-mars une Fiche technique sur les modalités de régulation de ces « dark-stores ». L’objectif est de clarifier le cadre juridique afin de permettre un développement de cette activité « dans de bonnes conditions, en préservant l’animation des rues commerçantes dans certains cas ou la tranquillité des riverains dans d’autres » (lire le communiqué de presse).
La fiche expose les différents outils de planification urbaine qui peuvent contraindre l’implantation de ces « dark-stores ».
S’agissant de leur destination au titre du droit de l’urbanisme, une distinction doit être faite entre :
- les plans locaux d’urbanisme (PLU) mettant en œuvre la nouvelle nomenclature des 5 destinations et 21 sous-destinations issue de la loi ALUR (art. R. 151-27 et R. 151-2 c. urb.), qu’ils ne peuvent pas définir, et
- les PLU anciens, qui sont articulés autour des 9 destinations prévues par l’ancien article R. 123-9 du code de l’urbanisme et qui peuvent les définir.
Sous la nouvelle nomenclature, les « dark stores » peuvent relever :
- de la destination « autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire » et sous destination entrepôt lorsqu’ils ne sont pas destinés à l’accueil d’une clientèle ni à une vente de bien en direct à une clientèle ;
- si, en revanche, le « dark store » est ouvert à une clientèle qui peut y accéder directement, l’activité se rattacherait davantage à la destination « commerce et activité de services ». Un service de « click & collect », avec un comptoir de retrait des marchandises, ouvert à des horaires d’ouverture similaires à un commerce classique font que l’activité est accessible à la clientèle.
Sous l’ancienne nomenclature, tout dépend du point de savoir si les rédacteurs du PLU ont défini ou non les destinations. Selon les cas, le « dark store » pourra s’inscrire dans la destination « commerce » ou dans la destination « entrepôt ».
Le PLU peut contraindre de différentes manières l’implantation de certaines destinations. Par exemple, il peut interdire l’implantation d’entrepôts dans certaines zones, ou, par un linéaire commercial, empêcher le changement de destination des locaux situés en rez-de-chaussée vers une destination autre que commerce.
Les « dark stores » doivent respecter ces règles pour obtenir les différentes autorisations qui peuvent conditionner leur l’implantation. En particulier, en droit de l’urbanisme, le changement de destination est soumis à déclaration préalable, sauf s’il s’accompagne d’une modification de la façade, et dans ce cas il doit être précédé de l’obtention préalable d’un permis de construire. L’hypothèse classique est celle de l’implantation d’un « dark-store » en lieu et place d’un commerce traditionnel, avec des travaux d’occultation de façade car il n’est pas du tout accessible à une clientèle. Par ailleurs, selon les cas, une autorisation d’exploitation commerciale peut être requise.
Faute de ces autorisations adéquates et du respect des règles de planification, l’activité est implantée irrégulièrement. Les sanctions, dans ce cas, sont administratives, civiles (action en responsabilité), pénales (amende), fiscales … Une communication publiée sur le site de la Ville de Paris le 24 mars dernier rappelle ces exigences et invite à signaler les « dark-stores » non autorisés.