La Haute Juridiction s’est penchée dans un arrêt rendu le 14 novembre 2024 sur l’obligation de délivrance du bailleur au titre d’un bail mixte, lequel est réputé commercial pour le tout.
En l’espèce, la locataire d’un bail commercial à usage mixte (local commercial et logement à l’étage), après avoir sollicité en 2015 une expertise judiciaire afin de constater la non-conformité de l’appartement aux normes de décence, assigne ses bailleurs deux ans plus tard en paiement de travaux de reprise de l’appartement afin de le rendre habitable et en paiement de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance.
La Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 22 novembre 2022, déboute la locataire de sa demande de paiement de travaux de rénovation du local à usage d’habitation et de dommages-intérêts, considérant que ces demandes sont prescrites dans la mesure où la locataire a eu connaissance de l’état du logement dès la prise d’effet du bail le 24 mai 2004.
Saisie d’un pourvoi de la locataire, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1709 et 1719 du Code civil relatifs au contrat de louage. Elle rappelle qu’en vertu de ces textes, le bailleur est tenu de délivrer la chose louée au preneur et que, si la chose louée constitue l’habitation principale de ce dernier, le bailleur doit délivrer un logement décent.
La Cour poursuit en énonçant que « la connaissance de l’état des lieux par le locataire n’exonère pas le bailleur de » cette délivrance « tout au long de l’exécution du bail ». Les juges d’appel ne pouvaient donc pas débouter la locataire de ses demandes en se fondant sur la connaissance par celle-ci de l’état des lieux lors de la prise d’effet du bail.
Cette décision comporte donc deux enseignements :
- D’une part, dans le cadre d’un bail portant sur un local commercial et un local d’habitation, le bail est réputé commercial pour le tout ; le bailleur est tenu, de la même manière que le bailleur d’un seul local d’habitation, de l’obligation de délivrer un logement décent dès lors que l’appartement constitue l’habitation principale du preneur ;
- D’autre part, le bailleur est tenu de cette obligation de délivrer un logement décent tout au long du bail, peu importe la connaissance par le preneur de l’état du local d’habitation et l’ancienneté de cette connaissance. Le locataire sollicitant une mise aux normes du local d’habitation qui constitue son habitation principale ne peut se voir opposer la prescription.