Cheuvreux Paris

Restitution d’un local non remis en état : nécessité de prouver un préjudice pour l’indemnisation du bailleur

29 Oct 2024 Newsletter

Le locataire qui a manqué à son obligation de restituer les locaux loués en bon état de réparations ne peut être condamné à indemniser le bailleur que s’il est démontré que son manquement a causé un préjudice à ce dernier. La Cour de cassation énonce ce principe, inhérent au droit de la responsabilité contractuelle, dans un arrêt du 27 juin 2024 (n° 22-24.502) relatif à un litige opposant le bailleur d’un local commercial et son locataire.

En l’espèce, le bailleur, qui s’était vu restituer par sa locataire le local loué en mauvais état de réparations, avait sollicité qu’elle soit condamnée au paiement d’une somme correspondant à l’évaluation des travaux de remise en état. Mais le bailleur avait loué les locaux à un nouveau locataire sans effectuer de quelconques travaux de remise en état.

La Cour d’appel a condamné le locataire à indemniser son bailleur au motif qu’il avait manqué à son obligation contractuelle de restitution en bon état des locaux. Les juges du fond ont relevé qu’une telle indemnisation n’est pas subordonnée à l’exécution par le bailleur de réparations, ni à l’engagement effectif de dépenses, ni à la démonstration d’une perte de la valeur locative du bien.

Toutefois, saisie d’un pourvoi par le locataire, la Haute Juridiction censure l’arrêt d’appel par son arrêt du 27 juin 2024.

Dans cet arrêt, la Cour énonce que « le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur ». Elle précise ensuite en quoi consiste ce préjudice subi par le bailleur du fait du manquement du locataire. Elle indique en premier lieu que « ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l’exécution des réparations ou à l’engagement effectif de dépenses ». Cette formulation, qui semble proche de prime abord de celle retenue en appel, souligne en réalité le fait que le préjudice subi par le bailleur qui aurait reloué son bien sans engager de dépenses de réparations peut résulter de la décote de prix du nouveau bail liée à l’état des lieux loués (v. L. Leveneur, Réaffirmation de l’exigence d’un préjudice causé par le manquement contractuel, Contrats-Concurrence-Consommation oct. 2024, comm. 145). La Cour poursuit d’ailleurs que l’évaluation du préjudice – au jour où le juge statue – « doit prendre en compte, lorsqu’elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition ». Or, dans le cas d’espèce, aucun préjudice n’avait été subi par le bailleur puisqu’il avait loué les locaux – sans qu’une décote du loyer soit résultée de leur état – sans avoir engagé de travaux de remise en état, ni engagé de dépenses à cet effet. Le locataire ne devait donc pas indemniser le bailleur, même s’il n’était pas contesté qu’il avait manqué à son obligation.

La Haute Juridiction a rendu le même jour deux autres arrêts réitérant cette solution. Elle a, d’une part, censuré un arrêt d’appel sur le même fondement que l’arrêt commenté, à savoir l’absence de préjudice (Cass. 3ème civ. 27 juin 2024, n° 22-10.298, Publié au Bulletin), et, d’autre part, confirmé cette fois-ci les juges du fond qui avaient rejeté la demande d’indemnisation de la bailleresse au motif que cette dernière n’avait pas subi de préjudice dans la mesure où elle avait vendu les locaux loués trois mois après leur restitution sans effectuer de travaux et qu’elle ne prouvait pas une dépréciation du prix des locaux à la revente en lien avec les manquements du locataire (Cass. 3ème civ. 27 juin 2024, n° 22-21.272, Publié au Bulletin).

Ces trois décisions confirment la position adoptée par la Cour de cassation environ vingt ans plus tôt. En effet, dans un arrêt de 2003, elle avait indiqué que « des dommages-intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu’il est résulté un préjudice de la faute contractuelle » et considéré, en conséquence, que le locataire qui n’avait pas remis en état les locaux n’était pas tenu d’indemniser le bailleur puisque ce dernier avait reloué le bien à un tiers qui avait réaménagé les lieux à ses frais, et ce sans avoir pour autant consenti un bail à des conditions plus défavorables (Cass. 3ème civ. 3 décembre 2003, n° 02-18.033, publié au Bulletin).

Cette confirmation est la bienvenue et permet une clarification car un arrêt, certes inédit, du 7 janvier 2021, semblait revenir sur cette position. Dans cette affaire, la cour d’appel avait limité l’indemnisation du bailleur en rappelant que celle-ci était conditionnée à la preuve d’un préjudice résultant soit de la réparation par ce dernier ou à ses frais des désordres, soit d’une relocation à des conditions plus défavorables. Les juges du fond avaient ainsi adopté la position retenue dans la jurisprudence de 2003. Pourtant, la Cour Suprême avait censuré cette décision au motif que « l’indemnisation du bailleur, à raison des dégradations qui affectent le bien loué et qui sont la conséquence de l’inexécution par le preneur de ses obligations, n’est subordonnée ni à l’exécution de réparations par le bailleur, ni à l’engagement effectif de dépenses, ni à la justification d’une perte de valeur locative » (Cass. 3ème civ.  7 janvier 2021, n° 19-23.269, Inédit).

C’est donc un retour à la jurisprudence de 2003 qu’opère la Cour de cassation et plus encore un retour aux « fondamentaux » de la responsabilité contractuelle de droit commun : (i) le versement de dommages-intérêts suppose la preuve d’un préjudice causé par le manquement contractuel, et ce préjudice, s’il est démontré, (ii) sera indemnisé conformément au principe de réparation intégrale (c’est-à-dire sans enrichissement de celui qui reçoit les dommages-intérêts).

Soulignons toutefois qu’en pratique, nombre de baux, notamment commerciaux statutaires, contiennent une organisation contractuelle du constat (dans la perspective de la fin imminente du bail) de la situation des locaux au regard des opérations d’entretien et de réparation incombant au preneur, de l’identification et de l’évaluation des opérations qui s’avèrent nécessaires, et de la sanction contractuelle y afférente ; dans ce cas le principe retenu par l’arrêt n’a pas vocation à recevoir application.

Cass. 3ème civ. 27 juin 2024, n° 22-24.502, n° 22-10.298, n° 22-21.272

 




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