Cheuvreux Paris

Les conséquences de la signature d’une offre d’achat

28 Fév 2024 Newsletter

Si la vente est formée en principe par l’accord des parties sur la chose et sur le prix, les parties peuvent déroger à ce principe et c’est l’interprétation de leur volonté qui permettra de décider si l’acceptation d’une offre d’achat a ou non pour effet de former la vente. L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 janvier dernier en constitue une nouvelle illustration.

En l’espèce, un groupement forestier donne à une agence immobilière mandat de vendre diverses parcelles pour un prix de 800 000 euros. Par courrier électronique du 23 décembre 2017, une société offre d’acquérir le bien au prix proposé et sous condition suspensive d’obtention d’un prêt. Ce courrier est transmis au vendeur le 26 décembre. Le 29 décembre, l’agence indique à la société que le vendeur est favorable à sa proposition, dont il souhaite connaître le montage financier ainsi que la répartition entre apport personnel et financement au moyen d’un prêt. Le 12 janvier 2018, la société confirme son offre d’achat et sa disponibilité afin de signer le compromis. Elle reçoit le même jour un accord de principe sur le financement par sa banque. Le lendemain, l’agent immobilier lui transmet l’offre d’achat signée par le vendeur et sur laquelle il note les coordonnées de son notaire, mais lui indique également le même jour que son mandant reste dans l’attente d’une proposition d’achat d’un tiers. Le 15 janvier, le vendeur informe finalement son mandataire qu’il a accepté une offre supérieure à celle émise le 23 décembre par la société, qui somme alors le vendeur de signer l’acte authentique de vente puis l’assigne avec son agent immobilier en vente forcée.

La Cour d’appel rejette la demande en vente forcée aux motifs :

  • que la société a été informée par l’agent immobilier que ce dernier attendait encore une autre proposition d’achat et que les échanges de mails ne démontraient que l’existence de pourparlers entre les parties,
  • que les parties ne s’étaient pas accordées sur les modalités de paiement du prix, et
  • que ne figurait sur aucun document la mention expresse d’acceptation par le vendeur de l’offre d’achat.

La société se pourvoit alors en cassation. Elle considère qu’il y a eu accord des parties sur la chose et sur le prix lorsque le vendeur a contresigné son offre d’achat et apposé les coordonnées de son notaire – et ce sans émettre de réserve -, laquelle mentionnait de manière précise le bien vendu et son prix. Pour la demanderesse au pourvoi, peu importe l’absence d’accord sur les modalités de paiement du prix.

Néanmoins, la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Dans son arrêt de rejet, la Cour relève, d’une part, que les juges du fond ont souverainement déduit du courrier du 29 décembre, aux termes duquel l’agence indiquait le souhait du vendeur de connaitre le montage financier et la répartition entre apport et crédit, que cette information était déterminante de l’acceptation de l’offre par ce dernier. Elle souligne, d’autre part, que si le vendeur avait signé l’offre d’acquisition en y indiquant les coordonnées de son notaire, son agent immobilier avait, en lui transmettant le même jour la proposition signée, précisé à l’auteur de cette offre que son mandant était dans l’attente d’une proposition d’un tiers. La Haute Juridiction en déduit que la Cour d’appel, par une appréciation souveraine de la volonté des parties au regard des éléments de preuve qui lui ont été soumis, « a pu retenir qu’en l’absence de mention expresse d’acceptation de l’offre, soumise à la condition suspensive d’obtention d’un prêt ayant fait l’objet d’un accord de principe d’une banque, dont il n’était pas établi qu’il avait été porté à la connaissance [du vendeur], la seule signature apposée par ce dernier sur le courrier électronique du 26 décembre 2017, alors même que son mandataire précisait le même jour qu’il attendait une autre proposition d’un tiers, ne pouvait suffire à établir la perfection de la vente ».

Cette décision s’inscrit dans le cadre de la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux conséquences de l’acceptation d’une offre d’achat sur la formation de la vente.

Le principe en matière de vente est celui posé par l’article 1583 du Code civil, aux termes duquel la vente est formée par l’accord des parties sur la chose et sur le prix. L’on trouve d’ailleurs une application récente de ce principe dans un arrêt aux termes duquel la Cour de cassation censure un arrêt d’appel qui rejetait la demande en perfection de la vente diligentée par l’auteur d’une offre d’achat acceptée. La Cour soulignait en effet que le principe en matière de vente était celui du consensualisme et qu’en l’espèce, ni l’offre d’achat, ni son acceptation ne faisaient de la signature d’une promesse de vente une condition de perfection de la vente (Cass. 3ème civ. 22 juin 2023, n° 22-16.498).

Ce principe est toutefois écarté par la Haute Juridiction lorsqu’il résulte des éléments de l’affaire que les parties avaient entendu y déroger. Aussi, dans une décision récente, la Cour a considéré que la vente n’était pas formée par l’acceptation par le vendeur d’une offre d’achat d’un bien immobilier car les juges du fond avaient souverainement interprété la volonté des parties comme subordonnant la vente à la rédaction d’un acte sous seing privé (Cass. 3ème civ. 11 mai 2023, n° 22-11.287).

Dans la décision sous commentaire, la Cour de cassation juge que la signature de l’offre d’achat par le vendeur ne formait pas la vente car ce dernier, lorsqu’il a signé l’offre d’achat :

  • n’avait pas eu connaissance des modalités de paiement du prix, qui constitueraient pourtant au regard de son premier courriel un élément essentiel de son acceptation et
  • informait l’auteur de l’offre signée qu’il était dans l’attente d’une proposition parallèle.

Tout serait donc bien affaire de casuistique ; la formation ou non de la vente par l’acceptation d’une offre d’achat dépend de l’interprétation de la volonté des parties au regard des éléments de preuve rapportés.

Dès lors, l’on ne peut que conseiller aux parties, pour éviter cet aléa lié à l’interprétation, d’indiquer clairement leur volonté d’être liés ou non par l’acceptation de leur offre d’achat ou de vente. Un auteur préconise d’ailleurs au vendeur qui souhaite signer une offre d’achat sans pour autant être considéré comme d’ores et déjà engagé aux termes d’une vente, de n’accepter cette offre que sous la condition expresse de régularisation d’un avant-contrat dans un délai précisé, mais aussi d’informer l’auteur de l’offre des éventuelles négociations qu’il mène en parallèle (M. Suquet-Cozic, « La signature du propriétaire sur une offre d’acquisition ne l’engage pas toujours à vendre », Solution Notaire Hebdo n° 5 – 8 février 2024, p. 5).

Notons que ce contentieux pourrait s’éteindre dans l’avenir en matière de vente d’immeuble si la réforme du droit des contrats spéciaux venait à adopter la proposition émise par le notariat de solenniser la vente immobilière.

Cass. 3ème civ. 18 janvier 2024, n° 22-18.996

 




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