Dans un arrêt rendu le 6 juillet dernier, la Cour de cassation a admis la requalification en bail d’habitation (loi du 6 juillet 1989) d’une convention initialement conclue sur le domaine public et présentant ainsi un caractère précaire et révocable.
En l’espèce, La Poste avait consenti en 1990 à l’un de ses agents une convention portant sur l’occupation d’un logement de fonction à titre de résidence principale sur un appartement faisant partie de son domaine public, cette convention précisant notamment qu’elle « prendra fin automatiquement, en cas de cessation des fonctions administratives de l’occupant, d’affectation de l’immeuble à un service public ou en cas de vente du bien par l’État ».
En 2001, le bien a fait l’objet d’un déclassement du domaine public puis, en 2005, a été apporté par la Poste, devenue société de droit privé, à sa filiale, une société civile immobilière. Dans le même temps, la locataire a été admise en retraite mais a souhaité se maintenir dans les lieux.
En 2019, la société bailleresse a assigné la locataire en expulsion et en fixation d’une indemnité d’occupation et l’affaire a pris un tournant contentieux puisque l’occupante des lieux a refusé de s’exécuter. Si la Cour d’appel de Paris (26 mars 2021, aff. n° 20/01471) avait fait droit aux demandes du bailleur, la Cour de cassation censure quant à elle cette solution.
Selon la 3ème chambre civile en effet, « il résulte de [l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989], d’ordre public, que, dès le déclassement d’un bien du domaine public, sa location à usage d’habitation à titre de résidence principale, est soumise aux dispositions du titre 1er de cette loi. En conséquence, la validité d’une convention y dérogeant est conditionnée à l’existence de circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties autres que celles résultant de la seule domanialité du bien, ce qu’il appartient au juge de vérifier ».
Cette solution dénote avec la jurisprudence antérieure, constamment rappelée par le Tribunal des conflits, en vertu de laquelle sauf disposition législative contraire, la nature juridique d’un contrat s’apprécie au jour de sa conclusion et demeure pendant toute son exécution, (TC 16 octobre 2006, n°C3506 ; TC 11 avril 2016, n° C4043 ; TC 4 juillet 2016, n° C4055).
En effet, pour la Cour de cassation, puisque le déclassement a pour effet de soumettre la convention aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, la nature juridique de la convention peut être modifiée au cours de son exécution.
Aussi, il convient de s’interroger sur le point de savoir si cette solution sera transposée en matière de baux commerciaux et conduira la Cour à revenir sur sa position selon laquelle la décision de déclasser les biens de la Poste et d’en transférer la propriété à une société de droit privé « n’avait pas affecté le caractère précaire de la convention d’occupation à défaut d’intention de nover » la convention en bail commercial (Cass. 3ème civ. 19 novembre 2014, n° 13-20.089).
Une autre interprétation possible de la décision du 6 juillet 2022 serait de considérer qu’elle se cantonne aux baux d’habitation et à la protection du droit au logement qui est un droit fondamental. Cela exclurait la généralisation de la novation automatique des conventions portant initialement occupation du domaine public au jour du déclassement du bien.