La trajectoire du « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) fixée par la loi Climat et Résilience du 22 août 2022 n’a pas fini de faire couler beaucoup d’encre.Dans la continuité des deux recours introduits devant le Conseil d’État par l’association des maires de France (AMF) à l’encontre des décrets d’application ZAN en juin dernier, le Sénat s’est constitué en mission conjointe de contrôle de l’application du ZAN afin de se saisir des difficultés suscitées par l’introduction de l’objectif ZAN dans le droit de l’urbanisme et de proposer en conséquence des ajustements et corrections à la loi Climat et Résilience et ses décrets d’application.
De la période de concertation ouverte avec les élus territoriaux et l’ensemble des acteurs concernés ont ainsi pu remonter plusieurs leviers d’action, au nombre desquels figurent notamment le report des échéances fixées par la loi pour la mise en compatibilité en cascade des documents de planification et d’urbanisme, la consolidation de la gouvernance partagée sur les territoires ainsi que la création de nouveaux outils opérationnels et financiers au service des collectivités.
Sur cette base, et affermi par les déclarations récentes de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France, le Sénat décide donc d’exercer son initiative législative en déposant le 14 décembre dernier une proposition de loi développant 25 mesures visant à faciliter la mise en œuvre de l’objectif de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires.
Cette proposition de loi s’articule autour de quatre axes majeurs :
- favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée,
- accompagner les projets structurants de demain,
- mieux rendre compte les spécificités des territoires,
- prévoir les outils pour faciliter la transition vers le ZAN.
En vue de favoriser le dialogue territorial autour de l’application du ZAN, le texte prévoit notamment de repousser d’un an les délais de mise en compatibilité des documents de planification et d’urbanisme aux différents échelons. Il est également proposé de rétrograder le rapport de compatibilité prévu entre les documents de planification régionale (SRADDET et SAR) et les documents d’urbanisme (SCoT et PLU) à un rapport de simple prise en compte, en vue de renforcer l’application différenciée des objectifs régionaux de réduction de l’artificialisation de sols.
Pour accompagner la réalisation des projets structurants de demain sans désavantager les territoires qui les accueillent, le texte prévoit, à titre principal, de comptabiliser séparément, au sein d’une enveloppe nationale, les grands projets d’envergure nationale ou européenne.
Afin de mieux prendre en compte la spécificité des territoires, le texte offre une base légale à la mise en œuvre de « reports de droits » entre périodes décennales, en faveur des collectivités qui auraient rempli l’objectif de réduction de l’artificialisation au-delà du seuil fixé sur leur territoire. Parallèlement, une définition de la « surface minimale de développement communal », d’au moins 1 hectare, serait introduite afin de garantir aux collectivités que la mise en œuvre du ZAN ne se traduira pas par une absence totale de droits à construire ou un gel de son développement.
La mission de contrôle propose également, dans le but de concilier l’objectif de préservation de la nature en ville et la densification urbaine, de reconnaitre explicitement comme non artificialisées les surfaces végétalisées à usage résidentiel, secondaire ou tertiaire (jardins particuliers, parcs, pelouses…). Enfin, pour ne pas pénaliser les communes directement exposées au recul du trait de côte, le texte prévoit de ne pas comptabiliser au sein de l’enveloppe d’artificialisation, les parcelles rendues inutilisables en raison de l’érosion côtière et même de les considérer comme des surfaces renaturées.
En guise d’outils opérationnels offerts aux élus communaux et intercommunaux, notons la création de plusieurs dispositifs spécifiques visant à faire obstacle au phénomène de « ruée vers le foncier ».
D’une part, il est proposé l’instauration d’un sursis à statuer spécifique qui permettrait aux communes et établissement publics de coopération intercommunal (EPCI) compétents de suspendre l’octroi d’un permis de construire qui :
- soit serait en contradiction avec les futurs objectifs ZAN du document d’urbanisme en attente de modification
- soit compromettrait directement l’atteinte des objectifs chiffrés d’ores et déjà intégrés dans le document d’urbanisme modifié.
D’autre part, le droit de préemption urbain serait élargi aux terrains présentant de forts enjeux en matière de recyclage foncier ou de renaturation.
Proposition de loi n° 205 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, enregistrée par la présidence du Sénat le 14 décembre 2022