Saisie par le Conseil d’Etat en 2020 sur le régime de la TVA sur la marge lors de la cession d’un terrain à bâtir, la CJUE donne son interprétation de l’article 392 de la directive TVA de 2006.
Parmi les sujets abordés, celui de l’identité juridique entre les biens acquis et les biens revendus, dont la Cour confirme l’exigence.
Elle juge en effet qu’un terrain à bâtir ne peut être revendu en TVA sur marge que s’il a été acquis en tant que terrain à bâtir (par opposition aux terrains ne répondant pas à cette définition, du fait qu’ils ne sont pas destinés à supporter un édifice et sont, en principe, exonérés de la TVA).
A ce titre, la Cour précise qu’un terrain sur lequel ont été réalisés des travaux de viabilisation et d’équipement reste un terrain à bâtir au sens de la TVA, dont la cession est par conséquent susceptible d’être taxée sur la marge.
Elle écarte en revanche sans ambiguïté la condition d’identité physique entre le bien cédé et le bien acquis. Ainsi la revente d’un terrain après division parcellaire ne fait pas obstacle à l’application du régime de la marge.
S’agissant enfin la condition selon laquelle l’acquisition du terrain ne doit pas avoir ouvert droit à déduction pour que sa vente soit taxable sur la marge, la Cour l’interprète comme correspondant à deux situations :
- Soit l’acquisition a été soumise à la TVA, mais l’opérateur n’a pas eu le droit de la déduire, ce qui supposerait l’existence d’une exclusion du droit à déduction que ne connait pas le droit français (l’hypothèse est donc sans portée pratique en France) ;
- Soit l’acquisition n’a pas été soumise à la TVA « alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial ». Cette interprétation réduit sensiblement le champ d’application de la TVA sur marge, car elle implique de démontrer, outre l’absence de taxation de l’acquisition, que le précédent propriétaire avait lui-même supporté de la TVA sur le terrain, qu’il n’avait pas pu déduire.
Cette nouvelle restriction au champ d’application de la marge n’a jamais été envisagée par l’administration, dont il conviendra donc de surveiller les éventuels commentaires.
Signalons enfin que la Cour de Justice de l’UE est saisie d’une autre question préjudicielle par la CAA Lyon sur un sujet proche.
Sauf à ce que cette autre affaire soit tranchée par ordonnance renvoyant à l’arrêt Icade Promotion, elle pourrait apporter des éléments complémentaires.
En l’état, les conditions d’applications de la TVA sur marge sont devenues très incertaine, tant pour les opérations portant sur les terrains à bâtir que sur les immeubles achevés depuis plus de 5 ans taxées sur option du vendeur.