Cheuvreux Paris

Le bail à construction en 10 questions

07 Déc 2020 Veille juridique

Le bail à construction a été institué par la loi du 16 décembre 1964, et codifié sous les articles L. 251 et suivants du Code de la construction et de l'habitation. C'est un bail de longue durée, constitutif de droits réels qui engage, à titre essentiel, le preneur à édifier des constructions sur le terrain du bailleur.

1 / Quelles sont les caractéristiques du régime du bail à construction ?

Seules certaines dispositions qui le gouvernent sont d’ordre public (article 251-8 du Code de la construction et de l’habitation) à savoir : les articles 251-3 alinéas 3 et 4 du Code de la construction et de l’habitation instituant la possibilité pour le preneur d’hypothéquer et de céder ses droits, de consentir des servitudes passives indispensables à la réalisation des constructions; et la compétence du président du tribunal judiciaire pour les contestations relatives au loyer posé à l’article L. 251-5 alinéa 4 du même code.

Pour le reste les parties conservent leur liberté contractuelle conformément à la décision de la troisième chambre de la Cour de cassation du 7 avril 2004 et peuvent librement fixer le contenu du contrat, sous l’importante réserve de préserver les caractéristiques essentielles d’un droit réel immobilier (Cass. 3° civ., 7 avril 2004, n° 02-16.283). À défaut, le bail est susceptible d’être disqualifié. Attention, cependant à la prescription de l’action en qualification de bail commercial statutaire qui est deux ans à compter de la conclusion du contrat (Cass. 3° civ., 14 sept. 2017, n° 16-23.590).

2 / Quelle est la durée du bail à construction ?

Ce type de bail est conclu pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans. Le plus souvent, la durée est fixée en fonction du régime fiscal de l’accession des constructions au profit du bailleur ou de telle sorte qu’elle excède largement celle du financement de l’opération projetée, d’où des durées d’au moins trente ans, voire beaucoup plus. La prolongation par tacite reconduction est exclue par l’article L. 251-1 alinéa 3 du Code de la construction et de l’habitation (CCH). Toutefois une prorogation expresse peut être prévue.

3 / Quelles sont les prérogatives et obligations du bailleur ?

La sobriété des textes sur ce point permet une libre organisation des obligations relatives à l’édification des constructions : délais, description, conformité, etc. Le bailleur peut soumettre à son autorisation l’édification de toute construction supplémentaire, autres que celles initialement convenues comme l’affirme la troisième chambre de la Cour de cassation le 5 décembre 2007 (Cass. 3° civ., 5 décembre 2007, n° 06-19.728). À défaut de précision, une telle édification est libre.

4 / Quelles sont les prérogatives du preneur ?

Le bail à construction confère à son titulaire un droit réel immobilier. Parmi les principales caractéristiques, figurent la liberté de cessibilité et d’apport, en totalité ou en partie prévue à l’article L. 251-3 du Code de la construction et de l’habitation. Toute restriction à ce droit est considérée comme incompatible avec la nature de ce type de bail et donc nulle (voir en ce sens : Cass. 3° civ., 24 septembre 2014, n° 13-22.357). Jusqu’à l’achèvement des constructions, le cédant reste garant de son cessionnaire, ou de la société bénéficiaire de l’apport (CCH, art. L. 251-3), lequel est tenu des mêmes obligations que lui (CCH, art. L. 251-3 al. 2). Ce droit réel et les constructions édifiées peuvent être librement hypothéqués. Cette hypothèque s’éteint à la date primitivement convenue pour l’expiration du bail, en dépit de l’éventuelle résiliation amiable ou judiciaire du bail (CCH, art. L. 251-6). De même, le preneur peut librement conclure des contrats de louage sur les constructions édifiées et sur le terrain d’assiette. Le preneur peut consentir les servitudes passives indispensables à la réalisation des constructions contractuelles (CCH, art. L. 251-3).

5 / Quelles sont les obligations du preneur ?

L’obligation principale du preneur est de procéder à l’édification de constructions sur le terrain du bailleur (voir notamment : Cass. 3° civ., 8 septembre 2016, nos 15-21381 et 15-22374). L’obligation d’édifier un bien ne peut pas être limitée par les parties ou une simple faculté comme dans un bail emphytéotique De même, le preneur doit garder ces constructions en bon état d’entretien et de réparations de toute nature. Il est tenu de toutes les charges, taxes et impôts relatifs aux constructions et au terrain (CCH, art. L 251-4).

6 / Quelles sont la nature et la destination des constructions à édifier ?

Le bail à construction n’est limité ni par le secteur d’implantation des constructions (milieu urbain, rural, industriel, etc.), ni par leur nature ou leur destination. La construction d’un bâtiment neuf sur un terrain nu est le plus fréquemment imposée, néanmoins, le bail peut également prévoir la surélévation d’un bâtiment existant, transmis ou non, ou la rénovation lourde d’un immeuble. De même les parties peuvent librement convenir du sort à réserver aux immeubles existants sur le terrain. La présence d’existant sur le terrain n’est pas un obstacle. Ce type de bail peut porter sur un volume, d’où un usage dans des contextes très variés. D’un point de vue civil la destination des immeubles édifiés est « structurelle ». Toutes les activités non susceptibles d’altérer leur pérennité peuvent être exercées dans les immeubles contractuels. Cependant, la jurisprudence reconnaît le droit aux parties d’imposer des restrictions aux activités exercées (voir entre autres : Cass. 3° civ., 7 avril 2004, n° 02-16283).

7 / Quels sont le montant et la nature du loyer ?

Le loyer peut prendre diverses formes. L’article L. 251-2 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que la remise des constructions au bailleur en fin de bail peut tenir lieu de loyer, que cette remise ait lieu avec ou sans indemnité selon les précisions de la jurisprudence. De même, l’article L. 251-5 alinéa 1 prévoit que le loyer peut être la remise au bailleur en cours de bail des immeubles ou fractions d’immeuble construits par lui-même. Le loyer peut également être l’édification d’un immeuble sur un terrain du bailleur autre que celui donné à bail, dès lors que ce dernier demeure le siège de l’obligation essentielle d’édification. Outre ces modalités, le payement d’un loyer en numéraire périodique ou non est également prévu par l’article L. 251-5, alinéa 2 du Code de la construction et de l’habitation. Son indexation doit respecter les dispositions des articles L. 112-1 et suivants du Code monétaire et financier. S’il est stipulé une clause de nivellement ce loyer est alors substantiel. La Cour de cassation a précisé que le contrat de bail à construction conclu pour un prix dérisoire ou vil est nul pour défaut de cause. L’action en nullité de ce contrat, qui relève de l’intérêt privé, est, s’agissant d’une nullité relative, soumise à la prescription quinquennale (Cass. 3° civ., 21 septembre 2011, no 10-21.900).

8 / Quel est le régime fiscal applicable ?

Le régime fiscal de ce type de bail constitue l’une des raisons pour lesquelles ce type de contrat est très prisé par les bailleurs. Ont le caractère de revenus fonciers imposables : – les loyers perçus par le bailleur en vertu de l’article 33 bis du Code général des impôts ; – les remises d’immeubles ou fractions d’immeuble ou de titres données à titre de prix. Le preneur peut déduire les loyers afférents au terrain pendant toute la durée de la location et toutes les charges relatives à la détention de l’immeuble. À l’issue du bail, l’imposition du bailleur au titre des revenus fonciers, n’est pas calculée sur la base de la valeur des constructions contractuelles qui accèdent à son profit, mais sur le prix de revient de celles-ci dans les livres du preneur, ce qui en règle générale constitue une base de calcul avantageuse. ; s’y ajoute une l’application à ce prix de revient d’une décote de 8 % par année au-delà de dix-huit ans. Ceci conduit à ce qu’aucune imposition ne soit due dès lors que le bail est conclu pour au moins trente ans (CGI, art. 33 ter).

9 / Quelles sont les issues du bail à construction ?

Dans le silence du contrat, le bailleur devient propriétaire des constructions édifiées et profite des améliorations réalisées à l’arrivée du terme fixé par le bail conformément à l‘article L. 251-2 du Code de la construction et de l’habitation. Mais une clause de nivellement peut tout à fait être prévue. À l’issue du bail, le preneur peut acquérir la propriété du terrain. Ce mécanisme usuellement qualifié de « bail à construction à l’envers », bénéficie d’un traitement fiscal favorable. Le bail est alors assorti d’une clause prévoyant le transfert de propriété du terrain au preneur moyennant un supplément de loyer, les sommes ainsi versées sont considérées non pas comme des loyers, mais comme le prix de cession du terrain ; de plus pour le calcul de l’imposition de la plus-value de cession la durée de détention de ce dernier intègre celle du bail.

10 / Quid du bail à construction sur le domaine public ?

Longtemps jugé incompatible avec les principes de la domanialité publique, le bail à construction peut désormais être conclu sur le domaine public suite à la décision du Conseil d’État du 11 mai 2016 (CE, 11 mai 2016, n° 390118). Cependant, un tel bail à construction se voit imposer des spécificités, qui l’éloignent substantiellement du bail à construction de droit privé (même arrêt). Ainsi la durée maximale du bail sur le domaine public est de 70 ans conformément à l’article L. 2122-6 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP). En cas de cession de bail, l’agrément du propriétaire du domaine est nécessaire pour satisfaire l’article L. 2122-7 du CGPPP. Enfin, l’hypothèque du droit réel et des constructions par le preneur du bail n’est possible que pour « garantir les emprunts contractés en vue de financer la réalisation, la modification ou l’extension des ouvrages immobiles sur le domaine public » (CGPPP, art. L. 2122-8).

 

Retrouvez les réponses de Jean-Luc Tixier dans la revue Opérations Immobilières n° 130, Novembre/Décembre 2020, p. 64.

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