Dès lors que l’entreprise est patrimoniale ou familiale, qu’elle soit sous forme individuelle ou sociétaire, la question de la disparition du dirigeant est bien trop souvent négligée alors que pourtant primordiale car l’activité de l’entreprise peut rapidement se trouver menacée.
Il existe pourtant depuis 2007 un outil de prévention : le mandat à effet posthume prévu aux articles 812 et suivants du Code civil.
Par l’intermédiaire de ce mandat nécessairement notarié, le dirigeant pourra anticiper les conséquences de son décès et conférer à toute personne de son choix, personne de confiance ou collège d’experts, le pouvoir de gérer et administrer temporairement tout ou partie des biens successoraux pour le compte et dans l’intérêt des héritiers, et notamment les biens professionnels, lorsque ses héritiers n’ont pas la capacité ou les compétences pour ce faire.
Cet outil, qui permet ainsi d’anticiper une carence dans la gestion de l’entreprise, est néanmoins peu utilisé en raison, outre sa courte durée, d’une limite importante : le mandataire agit pour le compte et dans l’intérêt des héritiers mais il ne les représente pas. Le mandataire ne peut donc pas procéder à des cessions.
Puisqu’il est donc dans l’impossibilité d’effectuer des actes de disposition, en matière sociétaire, le mandataire ne pourra qu’approuver les comptes, distribuer les résultats, révoquer et nommer les dirigeants, sans toutefois aller jusqu’à décider de la vente ou dissolution de l’entreprise ou encore de sa restructuration. En somme, il ne pourra participer qu’aux seules assemblées générales ordinaires à l’exception des assemblées extraordinaires.
En outre le mandant dirigeant ne peut conférer de pouvoirs au mandataire qu’au titre des prérogatives relatives aux droits sociaux dont il est titulaire. Ainsi, il est impossible de prévoir directement dans le mandat la nomination du mandataire comme gérant de la société, puisque les organes sociaux survivent au dirigeant prédécédé ; la procédure de nomination des gérants relève uniquement des statuts.
Pour autant des solutions existent :
- Parallèlement à la conclusion du mandat, il peut être procédé à l’aménagement des statuts de la société exploitante pour renforcer l’efficacité du mandat en prévoyant notamment :
- Une clause d’inaliénabilité des titres au décès du dirigeant pour sécuriser le mandataire dans sa mission ;
- La nomination du mandataire en tant que gérant suppléant, lequel prendra ses fonctions en cas de décès du gérant titulaire, lorsque la forme juridique de la société le permet ;
Il est également possible d’envisager la création d’une holding détentrice des titres de la société exploitante : Par cet intermédiaire, le mandataire, à qui la gestion des titres de la holding sera confiée au titre de son mandat, pourra également être nommé gérant suppléant de cette société ou pourra se nommer directement gérant au travers d’une assemblée générale ordinaire.
Usant de ses prérogatives, et en sa qualité même de représentant de la holding, il pourra librement participer aux assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la société exploitante puisque ses pouvoirs découleront non pas du mandat posthume, mais bien de sa qualité de dirigeant social de la holding. Ainsi, il aura pleine latitude quant à ses pouvoirs pouvant aller jusqu’à la vente de la société opérationnelle sans l’accord des héritiers.
En tout état de cause, il conviendra de préciser dans le mandat les intentions du dirigeant quant au devenir de son entreprise. S’agit-il pour le mandataire de faire nommer un successeur chargé d’assurer une période transitoire en attendant la maturité des héritiers, ou devra-t-il préparer la cession de l’entreprise ? Le mandat devra permettre de cadrer les pouvoirs du mandataire et le contrôle de son action. Il faut alors réfléchir à l’articulation entre le mandat et les statuts, de manière à ce que le mandataire puisse accomplir la mission qui lui est confiée, tout en protégeant les intérêts des héritiers.